Lire notre revue Vatusium n° 18, 2015 « Les Passerands dans la Grande Guerre », 1ère partie : 1914 et 1915, pages 6 à 8.
Le recensement fait par F.-Henri Métral dans sa Monographie de Passy au mois de janvier 1902 a donné 20 chevaux, 90 juments, 40 mulets, 60 mules, pour une population de 3083 individus, 782 ménages et 607 maisons. (Source : recensement de 1911, Archives départementales de Haute-Savoie)
La réquisition des chevaux et juments de Passy
« Tous les chevaux âgés de 5 ans doivent être déclarés chaque année en mairie et tout contrevenant s’expose à une amende équivalente aujourd’hui à 2 700 €.
Tous les 2 ans, une commission de classement (composée d’un officier, d’un vétérinaire, d’un brigadier des troupes à cheval, d’un civil nommé par le préfet, 2 gendarmes, le maire et le secrétaire de la commune concernée) toise, classe et répartit les chevaux en 6 catégories selon leur hauteur au garrot et leur morphologie ; par exemple, les chevaux toisant 1,54 m et au-dessus seront destinés aux Cuirassiers, de 1,50 m à 1,54 m aux Dragons, de 1,47 m à 1,50 m à la cavalerie légère, etc.
Dès le début du mois d’août 1914, avec les réquisitions successives, 8 millions de chevaux seront engagés dans la guerre. » (Rosine Lagier site documentation.equestre, art. le cheval d’armes)
« Le 5 août 1914, 147 chevaux et juments, venus de la vallée de l’Arve, ont pris le train à Cluses pour la capitale du Dauphiné. » (D. Légat, A. Pinto, Les Savoyards et la Guerre, p. 35-36)
Dans notre commune, « il ne restait plus que « les personnes âgées et… les vieilles mules », dit-on encore aujourd’hui à Passy ! (Voir Vatusium n° 18, p. 6-7 : la réquisition des animaux)
« Gardez mon homme à la guerre tant que vous voudrez, mais laissez-moi au moins ma jument !!!… » (site 87dit)
Les chevaux et la guerre
On pourrait croire les chevaux ont été éliminés de la guerre avec l’apparition de la guerre de tranchée, puisqu’il n’y plus de cavalerie. Il n’en est rien ! Les chevaux étaient indispensables pour de nombreuses fonctions (suite du texte dans Vatusium n° 18, p.8)
Les chevaux au front : des millions de morts
« Ils ont payé le prix fort. Près de deux millions de chevaux sont en effet morts des effets de la guerre de 1914-1918. Sur les 14 millions d’animaux incorporés sous les drapeaux, dix étaient des chevaux, soit un cinquième du cheptel français.
Force motrice de la France à l’époque, la conscription des chevaux a affaibli le pays ; au point qu’il a fallu en importer, des USA et d’Argentine principalement.
Et si les chevaux sont les premiers cités en termes de force motrice, de travail et de port de charges, il ne faut pas oublier les ânes et les mulets qui, au même titre souvent, furent incorporés dès le début de la guerre.
Les exemples concernant leurs missions au quotidien ne manquent pas. On retrouve donc les chevaux et leurs cousins pour tracter charrettes et chariots, ambulances et cuisines de campagne, pour porter des charges parfois impressionnantes, voire des armes de guerre comme des mitrailleuses lourdes.
Ce sont eux, aussi, qui sont les véhicules de déplacement de certains militaires au combat. Ils courent dans ce cas autant de risques, voire davantage, que leurs cavaliers. Car le sort de ceux qui sont partis au front n’a pas été enviable. Décimés par les mitrailleuses au début du conflit, gazés ensuite, ils ont tracté des charges, dans des terrains de plus en plus accidentés, ont souffert de mauvais traitements, d’épidémies. » (Site leberry)
Protection des animaux contre les gaz toxiques
« Chez le cheval, les voies respiratoires sont sensibles à l’action des gaz, alors que le corps et les yeux ne sont surtout sensibles qu’à l’ypérite. L’appareil réglementaire Lanusse, puis Decaux ne protège donc que les voies respiratoires.
En cas d’attaque à l’ypérite il fallait donc protéger les yeux du cheval par des moyens de fortune (bandeaux). A défaut de masque on pouvait confectionner un masque de fortune avec une musette doublée contenant, entre la doublure et la musette du foin imbibé de solution neutralisante.
Si le cheval devait stationner dans une zone infectée, on devait le munir d’une musette sur la gueule pour éviter qu’il ne broute de l’herbe ou des feuilles toxiques. » (site rosalielebel75, art. gaz de combat)
Le transport des chevaux vers le front
Tous les wagons couverts portèrent des inscriptions donnant leur capacité en hommes et en chevaux. Cette mesure concernait tous les wagons couverts, indiquant « hommes : 40, chevaux en long : 8 », ou moins lorsqu’il s’agissait de plus petits wagons sur les chemins de fer secondaires. Cette inscription est trop souvent associée à tort avec la déportation, alors qu’elle trouve son origine dans un usage militaire qui avait déjà cours depuis la Première Guerre, et même avant. (site Wikipedia, art. wagon couvert)
Une vision humoristique de l’embarquement des chevaux :
« Au total, quatorze millions d’animaux sont pris en otage par les combattants, pour l’essentiel des chevaux de monte et de trait, des ânes et des mulets, des chiens. » (Philippe VALODE, La Grande Guerre sans les clichés, éd. l’Archipel, 2013, Chapitre 13 Des armes toujours plus meurtrières, p. 147 à 149). Le train emploie 140 000 chevaux et mulets en 1914.
Malgré les progrès des engins motorisés, le cheval demeure inégalable dès lors qu’il s’agit de se déplacer sur un terrain accidenté, et même à la fin de la guerre, sa valeur est intacte en ce qui concerne la logistique. Les zones de boue profonde sur le front, causées par l’endommagement des systèmes de drainage et les inondations, rendent les équidés vitaux puisqu’ils sont les seuls capables d’amener provisions et munitions jusqu’aux tranchées dans ces conditions.
Après la bataille de la crête de Vimy en avril 1917, un soldat canadien déclare : « Les chevaux avaient de la boue jusqu’au ventre. Nous voulions les attacher à une ligne de piquetage entre les roues des chariots durant la nuit, mais ils se seraient noyés avant le lendemain matin. Nous avons dû en abattre un assez grand nombre ».
En 1917, à la bataille de Passchendaele, les hommes du front pensent qu’à ce stade, « il était plus grave de perdre un cheval qu’un homme, parce qu’après tout, les hommes étaient remplaçables alors que les chevaux ne l’étaient pas ». En Grande-Bretagne, les montures ont tellement de valeur que si celle d’un soldat est tué lors d’une bataille ou meurt pour une quelconque autre raison, le soldat en question est tenu de lui couper un sabot et de l’amener à un officier supérieur pour lui prouver qu’il ne l’a pas simplement perdue. ». (Site Wikipedia, art. Cheval Durant la Première guerre mondiale)
Le rôle des chevaux dans l’artillerie
« Des attelages de chevaux de trait permettent aussi d’acheminer les canons et leurs accessoires sur le champ de bataille. Ils rendent l’efficacité des régiments d’artillerie dépendante de leur vitesse. Des milliers d’entre eux sont employés à cette tâche, pour laquelle il faut de six à douze bêtes par chariot. »
Voir Vatusium n° 18, page 8 : Mitrailleuse défilée pendant une reconnaissance de dragons, photographie prise dans la Somme (journal L’illustration, 12 décembre 1914 ; doc. J. Pierre Morin)
Des bêtes non soignées, aux terribles blessures
« Les documents montrent que ces bêtes nécessaires à la guerre n’étaient, dans nombre de cas, pas bien soignées… certainement parce que les hommes étaient eux aussi, exténués et avaient à peine la force de s’occuper d’eux. Quelques extraits de lettres concernant les chevaux, avant de parler des « hôpitaux pour chevaux ». « …. Certains soldats ont raconté avoir vu des groupes entiers de chevaux n’ayant pas été dételés pendant des mois (!), impossible d’enlever leur harnachement incrusté dans leur peau sans provoquer de terribles blessures… »
Même son de cloche du dr Schoutzeten, vétérinaire ; un officier de cavalerie, le capitaine Langevin : « Il semble que la guerre ait aboli toute connaissance du cheval et de son emploi. On ne desselle plus jamais …. nombre de chevaux sont de misérables bêtes qui marchent tête basse, les flancs creux… ils ne boivent plus, ils ne mangent plus, on ne les desselle plus de crainte de découvrir, sous la couverture des blessures profondes que l’on y sait ; elles sont terribles ces blessures… » (Site dupuyblog)
Une image hantait la mémoire des hommes, celles des chevaux morts qui jalonnent, durant toutes ces semaines les routes de Belgique et de France… « Nous faisons route par une poussière très dense, partout des chevaux crevés, le ventre gonflé, affreux à voir, répandant une odeur infecte … » (Site dupuyblog)
Le mémorial des animaux de guerre a été créé pour rendre hommage à tous les animaux qui ont servi et sont morts sous le commandement britannique au cours de l’Histoire.
Monument aux morts de Chipilly : A la 58ème Division Britanique “London Division”. Le 08/08/1918, cette division coopérant avec l’armée française et le corps d’armée australienne réussirent à pénétrer les défenses allemandes. Le sculpteur mit en scène un soldat britannique qui console son cheval blessé. (site monumentsmorts.univ-lille3)
Sort des chevaux survivants
« Quand la guerre prend fin, de nombreux chevaux sont abattus du fait de leur grand âge ou de leur maladie, et les plus jeunes vendus aux boucheries françaises ou aux particuliers, ce qui ne manque pas d’attrister les soldats, obligés d’abandonner les bêtes qu’ils ont chéries pendant plusieurs années. (site resistanceinventerre)
Pour en savoir plus
Site documentation.equestre, art. le cheval d’armes
Site resistanceinventerre
Site attelage-patrimoine
Site p8.storage L’animal au cœur de l’expérience combattante
Sources :
Bibliographie : D. Légat, A. Pinto, Les Savoyards et la Guerre. Les combattants de 14-18, éd.3dvision, 2013 (livre CHePP disponible à la bibliothèque de Passy)
Recensement de 1911, Archives départementales de Haute-Savoie
Sites :
site documentation.equestre, art. le cheval d’armes
Site resistanceinventerre
Site leberry
site rosalielebel75, art. gaz de combat
site Wikipedia, art. Cheval durant la Première Guerre mondiale
site net4war
Site attelage-patrimoine
Site dupuyblog
site monumentsmorts.univ-lille3
site 87dit Les animaux pendant la Grande Guerre
Voir nos autres pages sur
– Passy pendant la grande Guerre
en particulier notre page consacrée au monument aux morts de Passy.
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