Lire notre revue Vatusium n° 12, p. 37-38 (texte, photos et cadastres) ; Vatusium n° 16, p. 45
et compléter par cet article de Michel Duby publié dans le Bulletin municipal de Passy, en juillet 1998, p. 27 à 29, reproduit ci-dessous avec l’aimable autorisation de l’auteur.
Autres références :
– Pierre Dupraz, Traditions et évolution de Passy, p. 93, 156.
– Jean-Pierre Vallet, instituteur public à la fin du XIXe, évoque l’école des Ruttets dans sa Monographie de Passy, page 11.
– F.-Henri Métral, Monographie de Passy, 1904, p. 21.
« L’école a été construite en 1873 comme l’attestent les dates gravées sur les linteaux des deux portes. »
« La présence d’un clocher sur le toit de l’école montre que vraisemblablement il s’agit d’un bâtiment mixte comme il y en a dans d’autres hameaux de la commune : école et édifice religieux. Une chapelle ou un simple oratoire devait être érigé là, à une époque inconnue. » (Vatusium n° 12, p. 38)
« Les habitants, attachés à la religion chrétienne, décidèrent de coiffer l’édifice d’un clocheton et d’une croix, comme sur les autres écoles des hameaux de Passy. Les lois de 1882, instituant l’école publique, laïque et obligatoire changent la donne : désormais le personnel enseignant sera à la charge de l’Etat, les bâtiments et services à la charge de la commune. » (Vatusium n° 16, p. 45)
« L’oratoire, quant à lui, a été déplacé de l’autre côté de la route (à côté de l’abri bus actuel), chemin des Nattes, et la vierge qu’il contenait restaurée » en 2008, par CHePP. (Vatusium n° 12, p. 38)
La vie autour de nos écoles de hameaux : les Ruttets (Michel Duby)
“Si vous montez du carrefour de La Charlotte, en direction du chef-lieu de Passy par le Chemin Départemental 13, vous parvenez rapidement aux Ruttets, premier hameau annonciateur de notre commune.
Les maisons semblent s’être resserrées autour d’un bâtiment ancien dominé par un clocheton. Malgré ce symbole religieux, cet édifice est bien une des écoles publiques de Passy qui accueille, dans une classe unique, sans doute depuis 1882, les enfants des hameaux de Loisin, du Péchieu, des Storts, de Sous le Saix, des Nattes…
Les fermes anciennes dans lesquelles vivaient des familles nombreuses ont été construites à proximité de deux maisons fortes, le château de Boussaz et celui des Raffort, dont on prétend qu’elles étaient reliées entre elles par un souterrain mais également au château de Charousse. Les descendants de ces premiers propriétaires vivent encore bien souvent ici ; ils se nomment Buttoud, Crosa, Jaccoux, Raffort ou Raffort-Déruttet, Gruz…
Depuis plusieurs décennies, l’ensoleillement et la vue exceptionnelle de ce site en partie à l’abri du vent, malgré la présence bruyante de l’autoroute, ont favorisé l’implantation de nombreuses résidences.
Création et histoire de l’école des Ruttets
D’après l’ouvrage de F. Henri Métral publié en 1876, “Notions géographiques, physiques, historiques et administratives de la commune de Passy”, l’école des Ruttets fut d’abord appelée l’école du Loisin.
L’évolution de ce nom n’est sans doute pas anodine puisque la création du bâtiment a été accompagnée de divergences marquées entre les habitants du Loisin, du Péchieu et ceux des Ruttets.
Le compte rendu manuscrit d’une réunion qui s’est tenue en 1879, chez François Bottollier des Ruttets, nous apporte des précisions sur l’histoire de cette école.
Certains quartiers qualifiés dans ce document de “populeux” Sous Nancruy, Cran, Bay, Les Julliards, Grand Essert, avaient été privés “du bienfait de l’instruction et restaient dans l’ignorance” du fait de leur éloignement de l’école communale.
Entre 1850 et 1859, les écoles de Chedde, Joux, La Motte et Maffrey furent construites, ainsi que celles des Plagnes en 1859 et de Bay, suite à une souscription. Le même souci devait conduire à un projet d’école aux Ruttets. Les enfants venant de cet “intéressant et beau quartier” ne parcouraient les trois kilomètres les séparant du chef-lieu qu’à neuf ou dix ans, âge auquel ils étaient censés pouvoir affronter les intempéries de l’hiver.
L’idée de rassembler des fonds pour réaliser un édifice qui pourrait accueillir les enfants des hameaux, comme cela s’était produit ailleurs, fit son chemin.
Un tout petit rentier, Antoine Marie Chesney, légua alors par testament du 4 mai 1862 une somme de 600 francs à la condition qu’une école, rassemblant des enfants des deux sexes, fût fondée pour le village des Ruttets, Le Péchieu, Loisin et les maisons environnantes dans les dix années suivant son décès. Passé ce temps, le legs serait dévolu à l’école du chef-lieu.
Cette donation fut approuvée par le préfet à la date du 25 novembre 1872.
Stimulés par cet acte de bienfaisance, les habitants des hameaux ouvrirent une souscription qui produisit 3000 francs. Cependant, lorsqu’il s’agit de déterminer l’emplacement de la future construction, deux hypothèses s’opposèrent.
Les habitants du Péchieu et de Loisin préconisèrent de construire l’école au Danney près de l’embranchement du chemin du Péchieu ; ceux des Ruttets, des Nattes, de Boussaz et de Sous le Saix prétendaient que le point le plus central était en face de l’oratoire des Nattes, la famille Jaccoux ayant même offert l’emplacement destiné à la construction.
Les plus forts souscripteurs se trouvaient du côté des Ruttets et des Nattes ; le premier donateur ayant opté pour les Ruttets, son exécuteur testamentaire tint à accomplir fidèlement sa mission. Le choix de cet emplacement fut retenu. Les familles du Péchieu et de Loisin refusant cette décision n’acceptèrent plus d’accompagner la réalisation de l’école. Pour confirmer leur volonté, les chefs de famille se réunirent le 6 avril 1879 chez Bottollier aux Ruttets et composèrent un conseil d’administration, renouvelable chaque année, pour assurer le suivi du projet. L’élection porta à la présidence François Bottollier, qui fut chargé de la comptabilité, le vice-président, Jean-Marie Pugnat, prenant la responsabilité de l’approvisionnement et de la coupe des bois de charpente.
Cependant, la désertion des familles du quartier du Péchieu et de Loisin diminua sensiblement les ressources. Autre décision qui aurait pu faire avorter le projet : la commune fit totalement défaut en refusant de délivrer une coupe de bois. Des peupliers durent être achetés à Domancy pour la charpente et les planches du toit. Imaginons le découragement, les bras et les mains qui ne demandent qu’à travailler et qui tombent inutilement.
A l’heure du doute, le coup de pouce du destin nécessaire aux belles réalisations humaines se manifeste. Trois legs importants de particuliers, émanant entre autres des époux Pin de Sallanches, stimulent à nouveau les volontés ; une somme de huit mille francs, placée en rente sur l’Etat italien, est mise à la disposition de l’entreprise.
Nouvelle désillusion ! Suite au vote de la loi Jules Ferry du 28 mars 1882 *, les époux Pin rappellent que leur donation était soumise à la condition que l’enseignement soit toujours “suivant les lois religieuses, le catéchisme et l’histoire sainte”. L’école laïque préconisée alors étant sans Dieu ni religion, le couple retire son capital de huit mille francs.
Assigné en justice, le conseil, ne voulant pas plaider rendra la somme mais gardera les intérêts de l’argent placé qui seront utilisés pour la construction et l’entretien de l’école, sans doute entre 1878 et 1882.
On peut penser, comme il est gravé sur le linteau de granite, au dessus de la porte, que le début de la construction du bâtiment date de 1878. Elle sera sans doute achevée en 1883. Le B.O. de l’Instruction primaire d’octobre 1883 qui entérine le mouvement des instituteurs signale la nomination de Mademoiselle Bernard, débutante brevetée, aux Ruttets, en remplacement de Mademoiselle Gruse, non brevetée. L’école bénéficie donc de la présence d’une institutrice au moins depuis 1882.
Quelques années plus tard, l’amélioration du confort des élèves et de l’instituteur ou de l’institutrice impose la construction d’un préau et l’aménagement d’un jardin. Un propriétaire cultivateur, Pierre-François Jaccoux, promet de vendre une pièce de terre au levant de ladite école, au lieu-dit “La Contamine des Ruttets”.
Une délibération est prise en mai 1916 au conseil municipal présidé par le maire Jean-Pierre Soudan, 11 conseillers étant présents, 7 absents du fait de leur mobilisation. Cette délibération stipule que les élèves jouant sur la route dans le moment de récréation, il peut arriver que des accidents graves surviennent à cause des automobiles qui y passent fréquemment, surtout en été.
Sous l’autorité de Monsieur Vallet, adjoint faisant fonction de maire en 1919, ces travaux sont réalisés sans que l’achat ait été régularisé par le préfet, sous l’impulsion de Monsieur René Raffort-Déruttet.
Enfin, l’école sera rénovée en 1950 afin d’accueillir la quarantaine d’élèves inscrits.
Depuis 1995, la diminution sensible des effectifs risquait d’entraîner la suppression du poste d’instituteur et la fermeture de cette classe unique.
Une application plus stricte de la carte des secteurs scolaires a été nécessaire et a permis de sauver l’école, présence essentielle d’un service public, permettant de maintenir un lieu de vie et de rencontres indispensable à la cohésion sociale du hameau.”
M. DUBY, 1er adjoint
* Loi du 28 mars 1882 relative à l’obligation scolaire et à la laïcité.
Article 1. – L’enseignement primaire comprend
– l’instruction morale et civique ;
– la lecture et l’écriture ;
– la langue et les éléments de la littérature français ;
– la géographie, particulièrement celle de la France ;
– l’histoire, particulièrement celle de la France jusqu’à nos jours ;
– quelques notions usuelles de droit et d’économie politique ;
– les éléments des sciences naturelles, physiques, et mathématiques, leurs applications à l’agriculture, à l’hygiène, aux arts industriels, travaux manuels et usage des outils des principaux métiers ;
– les éléments du dessin, du modelage et de la musique ;
– la gymnastique ;
– pour les garçons, les exercices militaires ;
– pour les filles, les travaux à l’aiguille.
Compléter cette page par Une cour, un préau et un jardin pour l’école des Ruttets (1916-1918)
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