Un zouave de Passy, René Fivel, a été blessé au Bois Saint-Mard, le 21 décembre 1914.
Lire notre revue Vatusium n° 18, 2015 « Les Passerands dans la Grande Guerre », 1ère partie : 1914 et 1915.
Cette page BONUS complète notre article « Christiane, Marie et André Fivel évoquent la guerre de leur père René » publié dans Vatusium n ° 18, pages 36 à 38.
René Fivel, le Dragon devenu Zouave
René Fivel passe le 15 octobre 1914 du 2ème Dragons à la 2e compagnie du 2e Rgt de Zouaves à Sathonay. Le 21 décembre 1914, il est blessé au Bois St-Mard, au nord-est de Compiègne.
Toutes les citations sont tirées de l’Historique du 2e Zouaves, 1921, Site gallica.bnf, édition 1921.
Constitution du 2ème Zouaves
« Dès les premiers jours de la mobilisation (2 août 1914), au milieu d’un enthousiasme frénétique, soldats de l’active et de la réserve accoururent en foule pour prendre leur place dans les rangs. Aussitôt constitués, le 1er Bataillon de l’active et le 11e Bataillon formé par des éléments de réserve partaient d’Oran avec le drapeau sous le commandement du Colonel Godchot, faisaient halte au dépôt de Sathonay, » [au nord de Lyon, côté rive gauche de la Saône, entre Rillieux-la-Pape et Fontaines-sur-Saône] « pour y compléter leurs préparatifs, se groupaient avec le 5e Bataillon qui tenait garnison en France en temps de paix et formaient le « 2e Régiment de Marche de Zouaves ». Le 2e zouave, ainsi constitué, appartiendra à la 37e division d’Afrique durant toute la guerre.
Le 2ème Zouaves dans la bataille de CHARLEROI (22 août 1914)
« Les meilleures troupes allemandes venaient de franchir la frontière de Belgique, et malgré la résistance héroïque de Liège avançaient rapidement par la Meuse et la Sambre sur la route directe de Paris. La 37e division, à laquelle le 2e Zouaves fut rattaché organiquement pendant toute la campagne fut affectée à l’armée du général Lanrezac, transportée en chemin de fer Jusqu’à Rocroi et rassemblée le 21 Août 1914, prête au combat, aux abords du village de Fosse. »
« La grande bataille de Charleroi, où l’ennemi espérait emporter du premier coup le succès décisif, venait de s’engager. Le 2e Zouaves, qui venait de recevoir un nouveau chef, le Lieutenant-Colonel Trousselle, fut mis à la disposition du général commandant la 19e Division et reçut, le 22 août au matin, l’ordre d’enlever le village d’Auvelais. (…) »
« Les mitrailleuses faisaient rage. L’Allemand, caché dans les maisons, souffrait peu. L’artillerie française, prise violemment à partie par des canons de gros calibres, restait muette. Le régiment s’épuisait et les munitions devenaient rares. Le Commandant Decherf comprit qu’en continuant la lutte, la mort de ses hommes resterait inutile et, vers 12 h. 30, par petites fractions, des zouaves regagnaient les positions de départ. La Garde, épuisée par de lourdes pertes, ne songea même pas à poursuivre ces héros qui, malgré l’infériorité du nombre, les périls du terrain et le manque de moyens matériels, avaient tenu en échec et arrêté la progression des meilleures troupes de l’Allemagne.
Certes, le 2e Zouaves n’a pu, le 22 août, enlever Auvelais, mais son rôle n’en a pas été moins glorieux. Les chiffres ont, hélas ! leur triste éloquence : les 20 officiers et les 1.006 hommes qui restaient couchés sur le champ de bataille prouvaient avec éclat que les zouaves de Charleroi étaient bien les dignes héritiers des zouaves de Magenta et de Woerth, qu’ils pouvaient lever fièrement, la tête et qu’ils sauraient bientôt venger leurs morts. »
Le 2e zouaves dans l’OISE, secteur de Quennevières et du bois Saint-Mard (septembre 1914-juillet 1915)
En septembre, il n’a pas joué pas un rôle très important pendant la bataille de la Marne, mais il a progressé ensuite sur les pas de l’ennemi et atteint Montmirail le 10 septembre 1914.
Il a ensuite été transporté vers Compiègne (en bas à gauche de la carte) et a reçu Noyon comme objectif (au nord-est de Compiègne et au nord de Tracy), qu’il ne parvient pas à prendre. Le 17 septembre 1914, il se bat à Cuts et Carlepont (en haut à droite de la carte).
« Le 17 septembre, l’Allemand, renforcé encore, reprenait ses assauts et s’empa-rait de Choisy (…) ; L’Allemand avait pris Choisy, Cuts, et, derrière la 37e division, Carlepont venait de tomber à son tour. La route
était fermée, et il fallait tenter un effort suprême pour ne pas laisser aux mains de l’ennemi les drapeaux glorieux de quatre régiments. La « brigade marocaine » se dévoua pour ses camara-des d’Afrique et fut sublime. Elle s’élança sur Carlepont.
Après plusieurs tentatives infructueuses et sanglantes, finit par y pénétrer, livra dans la nuit un horrible combat de rues, permit à la 37e division d’échapper à la tenaille allemande et de se replier sur Tracy-le-Mont et Tracy-le-Val.
Pendant ces trois journées de combats ininterrompus le 2e Zouaves venait de barrer la route de Paris et de briser tout l’effort de l’ennemi. (…) »
« Le 23 septembre, une attaque générale était ordonnée, dans la direction de Nampcel (à droite de la carte). La 74e Brigade attaquait à la gauche, le 2e Tirailleurs à la droite. Profitant d’un épais brouillard, les 1er et 11e Bataillons s’élancent à l’assaut avec leur ardeur coutumière et s’emparent sans trop de peine du village de Puisaleine qui leur était fixé comme premier objectif. Mais, quand ils essayèrent de continuer la progression sur Nampcel, ils furent accueillis par une avalanche formidable d’obus de 210 et de 150, qui firent dans les rangs une trouée sanglante. Impossible d’avancer davantage ; on se maintint sur place. A la tombée de la nuit, comme la 74e brigade n’avait pas pu progresser, ordre était donné au 2e Zouaves de réoccuper ses positions de départ et de s’y retrancher.
Une violente attaque allemande débouchant, le 25, du ravin de Puisaleine, fut arrêtée net sous notre feu. L’ennemi organisa à son tour des retranchements. Ce dernier essai de guerre de mouvement venait de coûter au régiment 4 officiers et 600 hommes. La guerre de tranchée commençait. »
Quand René Fivel, cavalier démonté, est muté le 15 octobre 1914 du 2ème Dragons au 2ème Zouaves dans le secteur de Quennevières et de Bois Saint-Mard (au centre de la carte), ce régiment occupe cette partie du front depuis quelques semaines ; il va d’ailleurs l’occuper pendant tous les mois qui suivent.
Les zouaves découvrent la vie des tranchées, l’œil au créneau, sous la pluie et dans la boue. « Cette vie est monotone et triste ; l’ennemi est partout sans qu’on puisse percevoir, des mois durant, une capote grise ; la journée et la nuit se passent lentement à des besognes pénibles. Le fusil cède la place à la pioche ; les obus enlèvent chaque jour quelques camarades et le soldat n’a pas le cœur réchauffé par l’ardeur de la bataille. (…) »
« Le terrain était difficile, boisé, coupé de ravins profonds ; l’ennemi avait accumulé un matériel bien supérieur au nôtre, et les tombes sont, hélas ! nombreuses, qui prouvent à tout jamais la courageuse ténacité de nos braves. Cependant, le 2e Zouaves n’est pas resté absolument inactif sur ses positions défensives pendant dix mois. Il tenta à plusieurs reprises de s’emparer, par de violentes attaques, des tranchées allemandes.
Les opérations les plus importantes furent celles des 30 et 31 octobre 1914, à la ferme de Quennevières ; des 21 au 25 décembre 1914, au bois Saint-Mard ; des 6 au 16 juin 1915, sur le plateau de Quennevières. »
C’est au cours de l’opération de ce Bois Saint-Mard que René Fivel sera blessé en décembre.
Mais d’abord il participe aux combats d’octobre et novembre 1914.
Prise de la ferme de Quennevières, 30 octobre 1914
« Nous nous étions arrêtés, fin septembre, à quelques centaines mètres de la ferme de Quennevières, d’où l’ennemi pouvait distinguer tous nos mouvements.
Une attaque fut prescrite pour le 30 octobre dans la direction générale de la ferme des Loges ; le 2e Zouaves ayant plus particulièrement pour objectif la ferme et les tranchées en avant du bois Saint-Mard. Le 30, la résistance acharnée de l’ennemi ne permit qu’une faible progression. L’attaque reprit le 31, à 4 heures du matin. Protégés par l’obscurité, les zouaves du 5e Bataillon s’élancent impétueusement à l’assaut, approchent à 80 mètres de la ferme et, malgré un feu meurtrier, l’enlèvent la baïonnette ; les camarades du bois Saint-Mard avaient aussi progressé de 200 mètres. Cette affaire, qui privait l’ennemi de deux observatoires importants, nous avait coûté 1 officier et 80 hommes. (…) »
Attaques du Bois Saint-Mard, 21-25 décembre 1914
« L’affaire de Quennevieres, le 31 Octobre, n’avait pas éloigné suffisamment l’ennemi ; il s’était maintenu dans une position puissante appelée « Le Champignon », près du bois Saint-Mard, où se déroulait une guerre de mines impitoyable. Le régiment reçut donc l’ordre de donner de l’air à tout le secteur. Tel fut le but assigné à l’attaque du 21 décembre 1914.
L’action devait être menée par quatre bataillons : à droite, le 1er et le 11e du 2e Zouaves, sous les ordres du Lieutenant-Colonel Decherf ; à gauche, le 5e et le bataillon Duhamel, du 2e Tirailleurs, sous les ordres du Lieutenant-Colonel Bourgue. Depuis plusieurs semaines, des places d’armes avaient été aménagées et des munitions accumulées ; mais, de son côté, l’ennemi n’était pas resté inactif ; il avait renforcé ses réseaux de fil de fer, augmenté considérablement le nombre de ses mitrailleuses et de ses canons. L’affaire allait être périlleuse et très dure. »
« Le 21 décembre, à 2 heures, une poignée de braves, sous le commandement du Lieutenant Sorel, plaçaient quelques pétards sous les défenses ennemies, coupaient les fils de fer à la cisaille et se faisaient tuer héroïquement. A 7 heures, toute la ligne partait à l’assaut. Le premier bond permettait à la compagnie Burat d’enlever le Champignon, et à la compagnie Cordier de prendre pied dans la première tranchée allemande. Les autres unités, prises sous une grêle inouïe de balles et d’obus devant des fils de fer intacts, étaient forcées de s’arrêter à quelques mètres de l’ennemi et de s’y créer en hâte un médiocre abri. »
René Fivel est grièvement blessé lors de cette attaque. Son fils André relate cet épisode tel que lui a raconté son père après la guerre quand ils travaillaient ensemble dans les champs (lire notre revue Vatusium n° 18, page 37). Extrait :
« (…) Lors de l’assaut vers la tranchée allemande, son capitaine, qu’il appréciait particulièrement, est tué à un mètre derrière lui ; ses camarades et lui sont en plein désarroi. Il arrive devant la tranchée, qui avait été bombardée par les canons français ; un soldat allemand le touche d’une balle à l’épaule droite et mon père lui tombe dessus ; les deux hommes roulent dans la boue avec leurs fusils au fond de la tranchée ; mais il est fait prisonnier (…). »
Evacué le même jour, il ne reviendra aux armées qu’un an plus tard, le 24 décembre 1915, après une année de soins et de convalescence.
Ses camarades du 2e Zouaves poursuivent le combat : « Le 22 décembre, l’ennemi contre-attaquait violemment, en usant d’une avalanche de grenades et de minenwerfer, rejetant les zouaves des positions chèrement conquises. Le 23, le général commandant le secteur prescrit de reprendre à tout prix la tranchée perdue la veille. Animée d’un admirable esprit de sacrifice, la compagnie Bétant repart à l’assaut et, grâce à la vigueur et à la rapidité de son action, reprend en entier la position de la veille. Trois fois l’ennemi contre-attaque avec grenades, minen*, lance-flammes ; trois fois il est repoussé mais, vers 15 heures, sa supériorité devient telle, que les quelques survivants de la 17e Compagnie sont obligés de revenir à leur point de départ du matin.
* Minenwerfer : bombes lancées par les mortiers allemands.
Le régiment avait perdu beaucoup d’hommes. Aussi, le 25 décembre, l’objectif principal fut-il confié au bataillon Philippe du 42e d’Infanterie ; le 2e Zouaves avait seulement pour mission de reconquérir la tranchée déjà deux fois conquise et deux fois perdue. Mais les efforts combinés des fantassins et des zouaves devaient encore rester vains ; une contre-attaque acharnée les rejette définitivement de la grande tranchée allemande. Le Champignon seul nous restait.
Pendant ces six jours de combats acharnés, les zouaves avaient fait résolument le sacrifice de leur vie ; mais leur abnégation sublime n’avait pas pu venir à bout du matériel ennemi. 11 officiers et 900 hommes étaient tombés. Dormez ! morts héroïques ! »
Suite des combats du 2e Régiment de Zouaves (source : Site chtimiste )
1915 Bataille de Champagne : Epine de Védegrange (25- 30 sept.)
1916 Verdun : Louvemont, côte du Poivre (février), Souville (1-16 juillet)
Reprise des forts de Douaumont et de Vaux : Bois de Chaume, Bezonvaux (15 décembre)
1917 Verdun : le Mort Homme (août)
1918 Picardie : Moreuil (8 août), Noyon (28 août) Chauny, Tergnier
Suivre un soldat du 63e RI et 2e Zouaves, grâce à son carnet de guerre : Lire les lettres d’Henri PLUMARD du 2e Zouaves, année 1914. Site chtimiste
Carnet de route d’Yves Kervadec, soldat puis sergent au 2e Zouaves, août-octobre 1914 Site chtimiste
Suite de l’historique du 2e Régiment de Zouaves (avec photos) Site genealogie.azuelos
Pour en savoir plus sur les attaques du Bois Saint-Mard, des 21-25 décembre 1914 : site pages1418
La nécropole nationale de Tracy-le-Mont
« Aujourd’hui, la nécropole nationale de Tracy-le-Mont recèle les tombes de quelque 1158 militaires français. Le plateau de Touvent aura ainsi vu le 2e régiment de zouaves subir des pertes terribles, constamment comblées par l’arrivée de nouveaux soldats qui viendront à chaque fois recompléter les effectifs. » (site leparisien)
Stèle commémorative du 11e Bataillon du 2e Zouaves
Cette stèle dédiée au 11e Bataillon du 2e Zouaves fut déplacée de quelques centaines de mètres de son lieu d’origine. Elle se trouve près des anciens lavoirs de Tracy-le-Mont
“11e Bataillon du 2e Zouaves – Aux Camarades Morts au Champ d’Honneur” (site memorialgenweb)
Sources :
Site gallica.bnf
site genealogie.azuleos
site 1914ancien
site chtimiste
site histoire-image
site tracy-le-mont
site memorialgenweb
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