Lire notre revue Vatusium
– n° 1 bis, p. 19-20 (article « Les pierres des Gures » avec photos de la « pierre du sacrifice », de la pierre horizontale qualifiée de « dolmen » et de la pierre dite « Laby ») ;
– n° 2, p. 11 (extraction et exploitation des blocs de granit sur Tête Noire) ;
– n° 6, p. 17-18 (le retrait du glacier de l’Arve, avec photos des Gures, de la pierre du Laby, carte du glacier de l’Arve et carte des Alpes du Nord au maximum de la glaciation du Würm) et p. 20 (photo des « cheminées de fées » près de St-Gervais) ;
– n° 7, p. 5-6 (l’inlandsis alpin, le glacier en – 280 000 ; les blocs erratiques) ;
– n° 13, p. 13 (photo d’une des Grosses Pierres, blocs de granit au-dessus de l’Abbaye) ;
– n° 17, p. 52 (blocs erratiques aux Bossons vus par Saussure).
Les blocs erratiques expliqués par l’instituteur M. Fernand Dunand
Les enfants de l’école du Chef-lieu à Passy ont bénéficié de la pédagogie Freinet ; celle-ci était mise en œuvre par l’instituteur Monsieur Fernand Dunand et plusieurs fascicules du journal scolaire des années 1932 à 52 ont été retrouvés… et sauvés de la benne.
Avant d’être nommé à Passy, M. Dunand a exercé à Combloux où il a créé le journal scolaire « Contes des neiges ». Avant d’emmener ses élèves visiter les carrières des graniteurs, le maître y explique l’origine des blocs erratiques en granit que taillent les graniteurs.
Le grand glacier
« Il y a longtemps… bien longtemps… des milliers d’années *… des millions peut-être…, on ne sait pas au juste, toute notre région ressemblait au pôle Nord. Un formidable fleuve de glace descendait du Mont-Blanc et s’avançait entre les hautes montagnes jusqu’à Lyon. Et le même soleil, qui se lève rayonnant, derrière le Mont-Blanc faisait étinceler le dos immense du grand glacier.
Quand le climat s’adoucit enfin, des pluies torrentielles ravinèrent les montagnes et, par les jours d’orage, des torrents de boue et cailloutis sillonnaient le glacier et s’engouffraient tumultueusement dans les insondables crevasses aux reflets glauques.
Au printemps, au moment du dégel, de monstrueux
blocs de pierre, se détachaient des flancs des montagnes qu’ils dévalaient en bonds fantastiques dans un vacarme épouvantable. Ils venaient s’abattre sur le glacier, au milieu des énormes séracs, leurs frères de glace.
Lentement, mais avec une force formidable, le glacier avançait, reculait selon les époques, charriant sur son dos blocs de calcaire de granit et cailloutis de toutes sortes. Dessous lui, il rabotait le sol et sur ses côtés il sciait les flancs des monts.
Combien de temps cela dura-t-il ?… Qui sait !
Puis le Grand Froid s’en alla enfin vers le Nord. Les pluies tièdes, les vents chauds s’attaquèrent à l’immense fleuve de glace qui lentement, insensiblement recula vers le Mont-Blanc.
* Note CHePP : En – 280 000 (voir Vatusium n° 7, p. 5)
Là où il fondait, il déposait les blocs de pierre qu’il portait **.
Aujourd’hui, du Grand Glacier il n’en reste que des tronçons sur les flancs du Mont-Blanc.
Mais quel travail il a accompli ! il a porté des blocs de pierre jusqu’à Lyon ; il en déposé un peu partout dans la région.
A Combloux, il avait recouvert le sol d’énormes et très nombreux blocs de granit et formé de nombreux replats le long du versant. Les « mouilles » de nos pâturages sont également des almas de boue glaciaire. La vallée de l’Arve, profonde, au fond plat raboté, et les formidables falaises calcaires qui la dominent de Sallanches à Cluses, sont l’œuvre du glacier. Les herbes, les arbres poussèrent entre les blocs de pierre au fur et à mesure que le glacier reculait.
** Note CHePP : Entre – 20 000 et – 14 000 (voir Vatusium n° 6, p. 17)
Quand nos ancêtres s’établirent dans la région, il leur fallut abattre les arbres, fendre les blocs de pierre pour pouvoir agrandir l’étendue de leurs champs et les travailler.
Que de peines ils ont coûtés à nos aïeux, les pâturages qui s’étendent autour du village !
Aujourd’hui, ce travail de défrichement se continue car il reste encore des bocs dans les champs.
Comme ils gênent parfois pour labourer, les paysans les minent et en débarrassent le champ.
Les blocs les plus gros et les plus nombreux se trouvent maintenant dans les forêts. Ils sont une richesse pour le pays car ces blocs sont d’un granit réputé et sont exploités dans de nombreuses carrières. » LE MAITRE
Passy conserve quelques blocs erratiques
Le « grand glacier » a déposé sur les Gures plusieurs blocs erratiques (Vatusium n° 1 bis, p. 19-20 ; Vatusium n° 6, p. 17-18)
Voir d’autres photos de cette pierre dans notre page consacrée à l’oppidum des Gures :
Des blocs erratiques sur le flanc nord de Tête Noire
Les extractions du XIXe siècle :
« La section des Plagnes englobe la montagne de Tête Noire constituée de schistes. De nombreux blocs de granit ont été déposés en surface, à flanc de coteau, lors du retrait des glaciers, vers 10 000 ans avant notre ère. Ces blocs ont fait le bonheur des tailleurs de pierre piémontais du XIXe siècle. Aux Plagnes, les deux centres principaux d’exploitation sont l’un au pied du couloir de Combreveux, lieu qui a aujourd’hui conservé le nom de « Carrière à Massera » ; l’autre dans le lit du Nant Gibloux où plusieurs entrepreneurs de travaux publics vinrent débiter des blocs concédés par la commune. Près de là, à la Voutrière, est installée une forge dont le ruisseau actionne le martinet pour réaffuter les outils nécessaires à l’exploitation. (…) » (Vatusium n° 2, p. 11, Extractions)
– Au lieu dit « les Grosses Pierres »
Voir dans notre revue Vatusium n° 13, p. 13 une photo montrant « une partie des Grosses Pierres, blocs de garnit aujourd’hui disparus dans l’exploitation concédée par la commune à un tailleur de pierres de Sallanches. Il en reste encore une, importante, en surface, à l’angle Nord-Ouest du cimetière voisin »
La construction de la piste forestière sur la face Nord de Tête Noire pour les travaux EDF a dégagé de nombreux blocs erratiques en granit :
Pour en savoir plus sur la géomorphologie glaciaire de la vallée de Chamonix et la formation de la vallée de l’Arve, voir
– le remarquable document du site glaciers- climat : cliquez ici.
– Voir aussi le site géologie-montblanc : cliquez ici.
Voir sur le site Geo-alp les pages consacrées au massif du Mont-Blanc et des aiguilles Rouges.
Bibliographie : Christine Burnier, Jean-Paul Gay, Les graniteurs. Les maîtres de la pierre au Pays du Mont-Blanc, coll. Nostalgie, éd. La Fontaine de Siloé, 252 pages, 2008 (disponible à la bibliothèque de Passy). Les deux premières pages du texte de F. Dunand sont tirées de ce livre, p. 112-113.
Autres pages sur l’histoire géologique de Passy.
A découvrir également :
– La méthode Freinet à Passy et le journal scolaire
– La conduite forcée de 1947-52 et la piste forestière