Culture, Histoire et Patrimoine de Passy

Saussure trouve l’explication des plissements alpins

Written By: BT

Lire notre revue Vatusium n° 17, p. 30-31. 

« Vue de la montagne du nant d’Arpenaz entre Maglan et Salanche en Faucigny » (gravure de Bourrit)

« Vue de la montagne du nant d’Arpenaz entre Maglan et Salanche en Faucigny » (gravure de Bourrit)

Nous avons rapporté dans Vatusium l’étonnement et la perplexité de Saussure lorsqu’il découvrit les courbures de la roche au nant d’Arpenaz (voir d’autres photos dans notre page sur la cascade d’Arpenaz) et des « roches singulièrement contournées » un peu avant d’arriver à St-Martin.

La falaise entre l’Arpenaz et St-Martin, et ses « couches contournées » (cliché B. Théry, 13 juin 2014)

La falaise entre l’Arpenaz et St-Martin, et ses « couches contournées » (cliché B. Théry, 13 juin 2014)

Pour compléter les extraits publiés dans notre revue, voici les paragraphes de Saussure dans leur intégralité :

« Les couches de cette montagne sont la continuation des couches supérieures du rocher de la cascade, et forment des arcs concentriques, tournés en sens contraire ; en sorte que la totalité de ces couches a la forme d’une S, dont la partie supérieure se courbe fort en arrière. (…) Ces couches de même que les intérieures, sont suivies sans interruption. (…) » (Voyages dans les Alpes § 473, 1779)
Lire la suite du § 473 dans Vatusium n° 17, page 31.

Cette « bizarrerie » géologique se répète un peu plus à l’est : « De la cascade jusques à St-Martin, on voit fréquemment à sa gauche des couches singulièrement contournées, et toujours dans cette espèce de pierre calcaire brune, que nous suivons depuis longtemps. Quelques-unes de ces couches forment presque un cercle entier ; les plus remarquables sont à une demi-lieue de la cascade. Elles représentent des arcs dont les convexités se regardent à peu près comme dans un X ; mais avec des plans situés obliquement entre les deux convexités, et des couches planes et horizontales, immédiatement au-dessus de l’arc de la gauche. » (Voyages dans les Alpes § 475)

Lire la suite du § 475 dans Vatusium n° 17, page 31.

L’explication qu’il tente dans ce § 475 repose sur un phénomène de cristallisation qui « peut seule », à son avis, « rendre compte de ces bizarreries ».

« Nous voyons, comme je l’ai déjà dit, des albâtres, formés pour ainsi dire sous nos yeux, par de vraies cristallisations, dans les crevasses et dans les cavernes des montagnes, présenter des couches dans lesquelles on observe des jeux tout aussi singuliers. Je ne répugnerais donc pas à croire que le rocher de la cascade a pu être formé dans la situation dans laquelle il se présente ; si ce vide à sa droite, ses couches, qui, bien que suivies, montrent pourtant quelques ruptures dans les flexions un peu fortes, et ses grands bancs de cette pierre grise compacte, qui n’est point si sujette à ces formes bizarres, n’établissaient pas une différence sensible entre elles et celles que nous venons d’examiner. » (Voyages dans les Alpes § 475)

Mais le savant a évolué dans ses recherches et a finalement trouvé la bonne explication.

Dans l’Avant-propos d’une édition des Voyages dans les Alpes, publiée à Genève en 2002, Albert V. Carozzi, professeur émérite de géologie à l’université d’Illinois, explique qu’une nouvelle réédition de l’édition originale in quarto des Voyages dans les Alpes (2003) est en préparation :  « Elle comprend une introduction présentant les résultats des recherches sur les manuscrits inédits de Saussure qui permettent de suivre chronologiquement, année après année, les étapes de sa démarche scientifique pour comprendre le mécanisme de formation des Alpes.
D’abord, il envisage l’hypothèse d’une cristallisation des roches à grande échelle, puis une force verticale souterraine, et enfin des refoulements horizontaux en sens contraires, à savoir des forces de compression provenant de l’extérieur de la chaîne qui plissent les Alpes et les maintiennent à une haute altitude. Il démontre ses idées par des modèles réduits de laboratoire. Ces expériences, aussi rudimentaires soient-elles, inaugurent la géologie expérimentale environ un siècle avant son acceptation comme une discipline des sciences de la terre.

Le mécanisme de compression horizontale, qui correspond aux idées actuelles sur la formation de toutes les grandes chaînes de montagnes du monde, conduit à considérer de Saussure comme un des grands précurseurs de la géologie structurale moderne. »

De son côté, le géologue François Amelot rapporte dans « Les plus beaux paysages du pays du Mont-Blanc », publiés en 2008, certains propos de Saussure : « La courbe des couches rocheuses en origine planes est due aux forces souterraines qui originent les montagnes » (tome 1, page 25).

Il poursuit : « Ses interrogations l’ont conduit à formuler une hypothèse pour fournir une explication à ce phénomène. Ainsi, si l’on transcrit la citation ci-dessus, il explique que la courbure des terrains ne pouvait pas être synchrone de la formation de la roche, mais qu’elle devait nécessairement lui être postérieure et imprimée par les forces tectoniques. Cette théorie, qui paraît aujourd’hui évidente, a été formulée pour la première fois par le savant genevois, et elle jetait les bases de ce qu’allait devenir la géologie alpine en particulier et la géologie des chaînes de montagnes en général. »

Pour en savoir plus sur la géomorphologie glaciaire de la vallée de Chamonix et la formation de la vallée de l’Arve, voir
– le remarquable document du site glaciers- climat : cliquez ici.
– Voir aussi le site géologie-montblanc : cliquez ici.
Voir sur le site Geo-alp les pages consacrées au massif du Mont-Blanc et des aiguilles Rouges.
Voir notre page sur Horace Bénédict de Saussure.

Autres pages sur l’histoire géologique de Passy.

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