Culture, Histoire et Patrimoine de Passy

Cahier d’Eugène Delale, Passy 1882, p. 28-38

Written By: BT

Voir notre page concernant la présentation de ce « Cahier de mise au net » fait à l’école primaire de Passy par Eugène Delale, élève de 1ère Division.

Les 64 pages du cahier d’Eugène Delale présentent le contenu de 5 ½ semaines de travail, du lundi 27 février au mercredi 5 avril 1882, milieu de la semaine sainte, 3 jours avant le dimanche de Pâques. Pas moins de 30 problèmes et 32 travaux de français (17 dictées et 15 exercices de « style-rédaction » ou de « composition française »)ont été donnés par le maître pendant ces 5 semaines.

Cahier d’Eugène Delale, 13 mars 1882, p. 27, Le retour du régiment (Coll. Jean Perroud)

Cahier d’Eugène Delale, 13 mars 1882, p. 27, Le retour du régiment (Coll. Jean Perroud)

Notre association CHePP a retranscrit l’intégralité de ce cahier : mais en dehors des premières pages, nous n’avons pas transcrit les « solutions résumées », les « opérations » et les solutions raisonnées » des problèmes ; seuls quelques fac-similés sont présentés.
Les rares erreurs ont été reproduites et signalées par un (sic).

Voici la transcription de la 3ème semaine : du lundi 13 au samedi 18 mars 1882

SOMMAIRE
Pages 28-29 Du 13 mars 1882. Problème XII
Pages 29-30 Dictée du 14 mars 1882. Une leçon de prévoyance.
Pages 30 à 32 Problème XIII.
Pages 32-33 Du 13 mars 1882. Exemple de Franklin
Pages 33 à 35 Du 17 mars 1882. Rédaction. Ce qu’était Brives (sic) autrefois.
Pages 35-36 Problème XIIII
Pages 36-37 Dictée du 18 mars1882. Le Général Hoche au bivouac.
Pages 37-38 Du 18 mars 1882. Problème XV

CONTENU du CAHIER de mise au net

Pages 27-28

Du (lundi) 13 mars 1882

Style. – Rédaction.

Le retour du régiment. (voir le fac-similé ci-dessus)

Canevas : Un régiment revenant de Tunisie est passé non loin de votre école. Le maître vous a mené (sic) à sa rencontre. Dites ce que vous avez vu ; et les impressions que vous a laissées ce spectacle patriotique.

Développement

La guerre de Tunisie tirait à sa fin, lorsqu’on conclut le traité du Bardo. Quelques troupes seulement restaient en Tunisie pour achever la pacification du pays. Les soldats s’en revenaient dans les villes où ils tenaient garnison, et avaient le plaisir de revoir leur patrie. C’était midi, lorsque nous apprîmes qu’un régiment qui avait pris part à la guerre devait passer non loin de notre école.
Notre maître, au lieu de nous renvoyer aussitôt, nous mena à sa rencontre.
Un nuage de poussière s’élevait au loin. Bientôt nous pûmes distinguer les pantalons rouges de nos chers soldats qui s’avançaient au son de la musique et chantaient la marseillaise ; c’était le 125e de ligne.
Ces soldats avaient été noircis par le soleil d’Afrique, et la fumée des canons ; ils ressemblaient à des figures bazanées (sic) qui faisaient plaisir à voir.
Les fenêtres s’ouvrent, le monde descend dans la rue, et le régiment s’avance aux acclamations de la foule. Nous-mêmes, lorsque le régiment passa à côté de nous, nous otâmes (sic) notre chapeau : « Vive les soldats ! Vive la France ! »
En avant s’avançait le colonel, puis après venaient ses soldats, accompagnés de leurs sergents et de leurs officiers.
Au milieu se dressait le drapeau tricolore, autour duquel on voyait des bras en écharpe, des hommes sur des béquilles, des balafres à la figure ; tout cela prouvait que le drapeau avait été défendu avec courage.

Note CHePP : Après le congrès de Berlin du 13 juin au 13 juillet 1878, l’Allemagne et l’Angleterre permettent à la France d’annexer la Tunisie, et cela au détriment de l’Italie, qui voyait ce pays comme son domaine réservé. Les incursions de « pillards » khroumirs en territoire algérien fournissent un prétexte à Jules Ferry, soutenu par Léon Gambetta face à un parlement hostile, pour souligner la nécessité de s’emparer de la Tunisie. En avril 1881, les troupes françaises y pénètrent sans résistance majeure et parviennent à occuper Tunis en trois semaines, sans combattre. Le 12 mai 1881, le protectorat est officialisé lorsque Sadok Bey signe forcé, sous peine de mort, le traité du Bardo au palais de Ksar Saïd. (Wikipedia)

Pages 28-29

Du (lundi) 13 mars 1881 (sic)

Problème XII (Voir fac-similé ci-dessous)

On veut couvrir un toit de 14 mètres de long sur 12 mètres de large avec des ardoises de 0 m18 de long sur 0 m12 de large qui reviendront, mises en place, à 6fr 50 le cent. On demande quel sera le montant de la dépense, sachant que les ardoises se recouvrant l’une l’autre, ¼ de leur surface est ainsi inutilisée.

Solution résumée (…)
Opérations (…)
Réponse : La dépense s’élève à 674 fr. 10 centimes.
Solution raisonnée (…)

Cahier d’Eugène Delale, 13 mars 1882, p. 28, Problème XII (Coll. Jean Perroud)

Cahier d’Eugène Delale, 13 mars 1882, p. 28, Problème XII (Coll. Jean Perroud)

Pages 29-30

Dictée du (mardi) 14 mars 1882.

Une leçon de prévoyance.

La jeunesse est, de par sa nature, impréyante (sic ; lire imprévoyante) : elle vit au jour le jour, dans souci du lendemain ; mais, par bonheur pour elle, d’autres s’en soucient, et lui ménagent des ressources dont elle usera plus tard avec reconnaissance, en passant (sic) à ceux qui auront prévu pour elle, et dans leur prévoyance, épargné, conservé.
Un écolier presse une cerise entre ses lèvres et jette le noyau qu’un vieillard prend la peine de ramasser et d’enfouir. L’enfant, qui le voit, rit d’une précaution inutile à ses yeux. Quelques années après, notre jeune homme, passant au même endroit, trouve, au lieu du noyau, un vigoureux arbuste que le vieillard, encore au poste, taille, greffe soigne, abrite, et défend avec sollicitude contre les coups du sort. Que de peine perdue ! pense l’adolescent.
Mais, devenu homme et longeant la route poudreuse, il retrouve l’arbre couvert de fruits ; il en profite pour calmer sa soif ardente et comprend enfin la prudence du vieillard.
Comme ce noyau de cerise, la moindre des utilités, est un petit capital, un élément de vie qui contient le germe d’autres utilités, si nous savons en faire un emploi profitable. Habert

Pages 30 à 32

Problème XIII 

Un particulier vient d’acheter une pendule qui lui coûte 1200 fr., mais il voudrait la payer en trois billets égaux échéant : le 1er dans 3 mois ; le 2e en  6 mois ; le troisième en 9 mois. Quel doit être le montant de chaque billet, l’escompte étant à 6 p. % en dehors (ou commercial), quel devrait le montant si l’escompte était en-dedans (ou rationnel).

Solution résumée (…)
Opérations (…)
Réponse : Le montant de ce billet, l’escompte en dehors (ou commercial) est de 412 fr., 37. Le montant de ce billet, l’escompte en dedans (ou rationnel) est de 411 fr. 94.
Solution raisonnée (…)

Pages 32-33

Du (mercredi) 15 mars 1882

Exemple de Franklin

La vie de Franklin est un modèle à suivre. Chacun peut y apprendre quelque chose, le pauvre comme le riche, l’ignorant comme le savant, le simple citoyen comme l’homme d’Etat. Elle offre surtout des enseignements et des espérances à ceux qui, nés dans une humble condition, sans appui et sans fortune, sentent en eux le désir d’améliorer leur sort.
Ils y verront comment le fils d’un pauvre artisan, ayant lui-même travaillé longtemps de ses mains pour vivre, est parvenu à la richesse à la force de labeur, de prudence et d’économie ; comment il a formé tout seul son esprit aux connaissances les plus avancées de son temps et plié son âme à la vertu par des soins et avec un art qu’il a voulu enseigner aux autres ; comment il a fait servir sa science inventive et son honnêteté respectée aux progrès du genre humain et au bonheur de sa patrie. Peu de carrières ont été aussi brillante (sic), aussi pleinement, aussi vertueusement, aussi glorieusement remplies que la sienne. Mignet.

Note CHePP : Auguste M. François Mignet (1796-1884) est l’auteur d’une « Vie de Franklin », 5e éd. en 1870

(Rappel : pas d’école le jeudi)

Pages 33 à 35

Du (vendredi) 17 mars 1882

Rédaction.

Ce qu’était Brives (sic) autrefois.

Un bon maire est le bienfaiteur de sa commune. Brives avait une mauvaise réputations (sic) ; mais M. Tardieu a tout transformé.
Cependant elle possédait des fonds communaux, des bois, ou (sic) chaque particulier allait prendre son affouage. Brives est située sur une rivière, et de l’autre côté des cette rivière se trouve le bourg Châtillon, qui est le chef-lieu de canton.
Brives n’avait pas de place de marché, et les gens de Brives qui allaient au marché de Châtillon, étaient obligés de traverser la rivière à gué ; car il n’y avait pas de pont.
Lorsqu’on voulait blâmer quelqu’un de l’ignorance, on dit qu’il avait été à l’école de Brives, ; parce que Brives avait une école ressemblant à une caverne, et les instituteurs n’y voulaient rester.
M. Tardieu a changé tout cela !
Un jour, il dit à son conseil : « Nous avons un bois qui ne nous rapporte que quelques bûches de bois ; si nous en vendions un morceau pour faire bâtir un pont en bois ? » Les conseillers, qui étaient un peu arriérés, hésitèrent d’abord, ; car vendre la propriété de la commune, cela leur semblait un crime ; mais ils avaient confiance en M. Tardieu et, ils votèrent la vente.
Quand les conseillers rentrèrent chez eux, leurs femmes, leurs filles, tout le monde les accusèrent de travailler à la banqueroute de la commune.
Les pauvres qui chaque année prenaient leur affouage dans ce bois, se disaient : « Ah ! M. Tardieu ne trouvera pas d’aussi bon bouillon aux prochaines élections qu’à celles qui viennent de s’écouler. »
Malgré toutes ces oppositions, le pont fut construit, et tous les jours de marché à Châtillon, on voit passer un grand nombre de chars sur le pont ; des femmes portant dans des paniers des œufs, des pommes, des fruits suivant la saison ; des hommes traînant un veau qui ne veut pas marcher ou portant dans un sac un petit cochon criant.
Cinq ans se sont ainsi écoulés, et M. Tardieu, voyant que les Brivois faisaient des bénéfices, dit un jour à son conseil : « Nous avons tous fait quelques bénéfices, si nous en faisions profiter la commune en fesant (sic) construire une maison d’école ; car nous avons une école qui est comparable à nos étables. Il ne faut pas qu’on dise que les Brivois ont plus de soins pour leurs veaux que pour leurs enfants. »
Le conseil vota la construction de la maison de commune, l’école est à présent pleine d’enfants, et les instituteurs ne cherchent plus à s’en aller.

Pages 35-36

Problème XIIII

Le 1° février 1880, on a placé une certaine somme à intérêt simple au taux de 4 fr 50 p.% et le 1° avril 1881, on a retiré en tout, capital et intérêts compris, 6104 fr.50. Quelle était la somme placée ?

Solution résumée (…)
Opérations (…)
Réponse : La somme placée était 5800 fr.
Solution raisonnée (…)

Pages 36-37

Dictée du (samedi) 18 mars 1882.

Le Général Hoche au bivouac. (voir le fac-similé ci-dessous)

(De Wissembourg, au général le Veneur).

Les voilà revenus ces transports que nous avons vus éclater autrefois en présence de l’ennemi. Le découragement et l’épouvante ont fui loin de nous. Je ne suis entouré que de braves qui marcheront à l’ennemi sans rompre d’une semelle. Auprès des feux allumés sur toute la ligne, j’ai surpris dans tous les groupes la sécurité et l’audace qui annoncent la victoire. Pas un murmure contre ce vent si froid qui souffle avec violence, pas un regret pour ces tentes qu’un des premiers j’ai fait supprimer. Il en est peu qui se piquent d’imiter le vainqueur de Rocroi et qu’il faudra réveiller pour la bataille ; mais l’air est glacial, et j’aime mieux les conduire à l’ennemi, irrités par l’insomnie que reposés par un sommeil toujours fatal à l’entraînement avec cette température. Reconnu par le plus grand nombre, j’ai partout été salué de ce cri : « Landau sera libre ! » Oui, mon général, Landau sera libre ; mais ce n’est pas assez d’arrêter l’ennemi, il faut le chasser devant nous ; il ne s’agit plus de défendre notre territoire, il faut envahir le sien. Les jours de douleur et de honte sont passés. Avec des soldats si bien préparés, une autorité aujourd’hui sans entraves, l’appui des représentants, je dois vaincre ou mourir. C’est une alternative que j’ai acceptée. Général Hoche.

Note de CHePP : Cette lettre, datée du 25 décembre 1793, est tirée de la Biographie de Lazare Hoche (1768-1797), p. 27 (version numérisée disponible)

Cahier d’Eugène Delale, 18 mars 1882, p. 36 Le Général Hoche au bivouac (Coll. Jean Perroud)

Cahier d’Eugène Delale, 18 mars 1882, p. 36 Le Général Hoche au bivouac (Coll. Jean Perroud)

Cahier d’Eugène Delale, 18 mars 1882, p. 37 Le Général Hoche au bivouac, fin (Coll. Jean Perroud)

Cahier d’Eugène Delale, 18 mars 1882, p. 37 Le Général Hoche au bivouac, fin (Coll. Jean Perroud)

Pages 37-38

Du (samedi) 18 mars 1882

Problème XV

Deux ouvrières travaillent ensemble dans un même atelier. Le salaire journalier de l’une est égale (sic) aux ¾ de celui de l’autre. On sait que 20 journées de celle qui gagne le plus et 25 journées de l’autre ont été payées 232 fr 50. Combien chacune d’elles gagne-t-elle par jour ?

Solution résumée (…)
Opérations (…)
Réponses : Celle qui gagne le plus reçoit 6 fr. par jour. Celle qui gagne le moins reçoit 4 fr. 50 par jour.
Solution raisonnée (…)

FIN de la 3ème semaine

Voir les autres pages de notre site consacrées à ce cahier :

TRANSCRIPTION et/ou REPRODUCTION de l’INTEGRALITE du cahier :

– Cahier d’Eugène Delale, Passy, p. 1-15, semaine du 27 février au 4 mars 1882
– Cahier d’Eugène Delale, Passy, p. 16-27, semaine du 6 au 11 mars 1882
– Cahier d’Eugène Delale, p. 39-50, semaine du 20 au 25 mars 1882
– 
Cahier d’Eugène Delale, p. 51-64, semaine du 27 mars au 5 avril 1882

SYNTHESES :

– Rédactions et dictées patriotiques dans le Cahier d’Eugène Delale, Passy
– Cahier d’Eugène Delale, école de Passy Chef-lieu, 4 mars 1882 : Problème de géométrie VI 
– Enoncés des 30 problèmes du cahier d’E. Delale 
–  La protection des oiseaux insectivores enseignée aux écoliers de Passy, Cahier d’Eugène Delale, 24 mars 1882, p. 45

Autres pages sur…
  l’enseignement à Passy
– l’enseignement du tir dans les écoles primaires de Passy , à propos de l’’éducation civique, patriotique, républicaine et militaire de 1870 à 1914

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 Le Journal scolaire de Passy, M. Dunand et la méthode Freinet

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