Culture, Histoire et Patrimoine de Passy

La centrale hydroélectrique dite « de Servoz », à Passy (Châtelard), 1901

Written By: BT

Du pont des Lanternes (Servoz) à Chedde (Passy) : un barrage, deux massifs rocheux, deux conduites forcées, deux usines…

Notre revue Vatusium n° 15, p. 52, est ici complétée.

Référence bibliographique : J.P. Gide et J. Banaudo, Les trains du Mont-Blanc, tome 1, le chemin de fer de Saint Gervais-le Fayet à Chamonix, p. 76 (disponible à la Bibliothèque de Passy)

Quand on monte en train de Chedde à Servoz, on aperçoit à gauche, juste à la fin du viaduc routier, la centrale E.D.F. de Servoz.

La centrale de Servoz aujourd’hui ; on devine à droite du bâtiment E.D.F. le soubassement de l’ancien bâtiment P.L.M. (cliché Bernard Théry)

La centrale de Servoz aujourd’hui ; on devine à droite du bâtiment E.D.F. le soubassement de l’ancien bâtiment P.L.M. (cliché Bernard Théry)

Installée au Châtelard, sur le territoire de Passy, l’usine dite « de Servoz » est ainsi appelée car elle est alimentée par la retenue d’eau située au pont des Lanternes à Servoz. Ce site a d’abord accueilli en 1896 la conduite forcée qui alimentait l’usine de Chedde, puis en 1901, la centrale P.L.M. (Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée créée en 1857 et nationalisée en 1938 lors de la création de la S.N.C.F.).

Plan des installations ; en rouge, les conduites forcées (Gide, op. cit. p. 75.)

Plan des installations ; en rouge, les conduites forcées (Coll. Bernard Roze ; J.P. Gide, op. cit. p. 75.)

Le barrage du pont des Lanternes, construit en 1895, permet d’envoyer de l’eau d’abord à l’usine de Servoz au Châtelard, puis à l’usine de Chedde.

« La station était alimentée par une chute d’eau de 38 m. (Voir notre page consacrée à la conduite forcée de Servoz au Châtelard dite « galerie des Gures »)
Cette chute appartenait, primitivement, aux industriels propriétaires de l’usine de Chedde. Après signature d’une convention entre la Société des Forces Motrices de l’Arve et la compagnie P.L.M., celle-ci acquit pour la somme de 50.000 francs la partie supérieure de la chute pour alimenter sa nouvelle centrale de Servoz. » (J.P. Gide et J. Banaudo, op. cit., p. 76)

La « station n° 1 » de Servoz en 1901 (J.P. Gide, op. cit. p. 77)

La « station n° 1 » de Servoz en 1901 (J.P. Gide, op. cit. p. 77)

« Il est à remarquer qu’à l’encontre des rivières de plaine, le cours supérieur de l’Arve étant uniquement alimenté par les glaciers et la fonte de neiges, les « hautes eaux » ont lieu de mars à septembre, précisément pendant la période de trafic intense alors qu’au début du siècle, avant la mode des sports d’hiver, le trafic hivernal était réduit. La compagnie pouvait donc ainsi disposer à la belle saison d’un débit maximum de 12 m3/seconde, pouvant produire une force de 4.560 ch mesurée sur l’arbre des turbines. En hiver, la force disponible se réduisait à 2.280 ch. (…) » (J.P. Gide et J. Banaudo, op. cit., p. 76)

Les 6 conduites forcées de la centrale de Servoz vers 1920 (J.P. Gide, op. cit., p. 78)

Les 6 conduites forcées de la centrale de Servoz vers 1920 (J.P. Gide, op. cit., p. 78)

« Le projet primitif avait prévu l’emplacement pour loger huit conduites forcées parallèles. Cinq furent effectivement construites. Les quatre premières conduites, installées en 1901, se composaient de tuyaux en acier doux, de 8,50 m de long et 0,95 m de diamètre intérieur, assemblés entre eux par des brides boulonnées. (…) » (J.P. Gide et J. Banaudo, op. cit., p. 76-77)

La centrale EDF de Servoz aujourd’hui, avec la seule conduite forcée de la centrale EDF et de l’usine de Chedde (cliché Bernard Théry)

La centrale EDF de Servoz aujourd’hui, avec la seule conduite forcée de la centrale EDF et de l’usine de Chedde (cliché Bernard Théry)

« A l’origine, l’énergie nécessaire au fonctionnement de la ligne, jusqu’à Chamonix, était fournie par deux usines utilisant les chutes de l’Arve *. Ces centrales hydro-électriques, directement construites et exploitées par le P.L.M., furent par la suite modifiées pour faire face à une demande d’énergie accrue par la rapide augmentation du trafic et par le prolongement de la ligne jusqu’à la frontière suisse. »

* La centrale des Chavants, situé sous le pont Pélissier (voir notre page consacrée à cette centrale), et celle de Servoz.

« La tension moyenne du courant continu fourni au rail latéral de contact était de 600 V, avec une tolérance comprise entre 550 et 700 V. Cette installation permettait la circulation de quatre trains montants par heure. (…) »(J.P. Gide et J. Banaudo, op. cit., p. 75)

La centrale de Servoz

« L’usine motrice de Servoz alimentait directement la première section de la ligne, comprise entre Le Fayet et le disjoncteur de la gare de Servoz. La centrale était construite dans le ravin du Châtelard (…). Elle se situait donc à proximité immédiate de la ligne près du km 5,100, à l’altitude de 811 m. »

Plan des installations ; en rouge, les conduites forcées (Coll. Bernard Roze ; Gide, op. cit. p. 75.)

Plan des installations ; en rouge, les conduites forcées (Coll. Bernard Roze ; Gide, op. cit. p. 75.)

Usine et équipement électrique

« Les bâtiments étaient construits en moellons, au fond du ravin du Châtelard à côté de la ligne de chemin de fer. Le bâtiment principal, long de 40 m et large de 11,50 m, se composait d’un rez-de-chaussée contenant la tuyauterie d’admission aux turbines, d’un escalier d’accès et d’une salle des machines sous combles qui renfermait les turbines, les dynamos, le tableau de distribution et les différents appareils. Les autres bâtiments étaient constitués par deux maisons servant au logement du chef-machiniste et de ses aides. » (J.P. Gide et J. Banaudo, op. cit., p. 78)

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Un premier bâtiment, dont il ne reste que le soubassement produisait de l’électricité pour la voie ferrée P.L.M. Du courant continu était envoyé sur la ligne distance de quelques mètres ; en revanche, pour alimenter la partie haute de la vallée et la  ligne P.L.M. à Vallorcine, cette centrale envoyait du courant alternatif, ce qui permettait d’éviter les chutes de tension vu la distance à parcourir. On passait de 750 volts à 12 000 volts et à Vallorcine des groupes convertisseurs retransformaient le courant en 600 volts continu.

Ce qui reste du bâtiment, le soubassement (cliché Bernard Théry)

Ce qui reste du bâtiment, le soubassement (cliché Bernard Théry)

Ce qui reste du bâtiment, le soubassement ; on voit que la centrale P.L.M. était situé à proximité immédiate de la voie ferrée (cliché Bernard Théry)

Ce qui reste du bâtiment, le soubassement ; on voit que la centrale P.L.M. était situé à proximité immédiate de la voie ferrée (cliché Bernard Théry)

« L’usine motrice de Servoz comportait six groupes turbo­-dynamos de 500 ch. (…). Les turbines ont été fournies par la maison Neyret, Beylier et Cie., de Grenoble. (…) » (J.P. Gide et J. Banaudo, op. cit., p. 78)

Un deuxième bâtiment produisait du courant pour l’E.D.F. Et cette centrale E.D.F. de Servoz fonctionne toujours, avec la « machine »  d’origine, plus que centenaire : c’est la plus vieille machine du département de Haute-Savoie !

La plus vieille machine du département de Haute-Savoie.

La plus vieille machine du département de Haute-Savoie.

La plus vieille machine du département de Haute-Savoie.

La plus vieille machine du département de Haute-Savoie.

Du Châtelard à Chedde

Après avoir été turbinée dans la centrale E.D.F. de Servoz, l’eau du pont des Lanternes se dirige par un canal de fuite vers Chedde : elle passe sous le viaduc, la voie ferrée et la voie descendante et traverse le massif des Egratz. (Voir notre page consacrée à la conduite forcée du Châtelard à Chedde dite « galerie des Egraz »)

« Après la seconde guerre mondiale, la S.N.C.F. renonça à poursuivre sa propre production de courant et ferma les deux usines [de Servoz et des Chavants]. » (J.P. Gide et J. Banaudo, op. cit., p. 75)

La sous-station EDF de la gare de Chedde installée dans l’ancien entrepôt (cliché Bernard Théry)

La sous-station EDF de la gare de Chedde installée dans l’ancien entrepôt (cliché Bernard Théry)

« Dès 1943, la SNCF mit à l’étude la modernisation de l’alimentation de la ligne Le Fayet- Vallorcine. La guerre ne permit pas de faire évoluer ce projet mais, au lendemain du conflit, la nationalisation de l’énergie électrique allait ouvrir de nouvelles perspectives. L’administration ferroviaire était désireuse de se débarrasser de ses installations de production particulières, qui mobilisaient un personnel nombreux pour entretenir et faire fonctionner barrages, conduites forcées, centrales, feeders et sous-stations.

Une solution fut trouvée, dans le cadre de la construction de la grande centrale hydro-électrique de Passy (voir notre page consacrée à cette centrale de Passy) par Electricité de France : le captage à établir dans l’Arve, près de la gare des Houches, devant priver d’eau les deux usines de Servoz et des Chavants, celles-ci seraient désaffectées et le chemin de fer raccordé au réseau E.D.F. Le projet fut approuvé par décision ministérielle du 14 septembre 1949, et la nouvelle alimentation connectée en 1952. E.D.F. racheta le bâtiment de l’usine de Servoz, celle des Chavants étant abandonnée (voir notre page consacrée à l’ancienne centrale des Chavants). » (J.P. Gide et J. Banaudo, op. cit., p. 89)

Le train à Chedde (cliché Bernard Théry)

Le train à Chedde (cliché Bernard Théry)

« L’alimentation du chemin de fer en énergie est assurée depuis lors par le réseau électrique national, par l’intermédiaire de sous-stations. Avec la mise en service des nouvelles rames de 1958, la tension d’alimentation a été portée à 800 V, avec une tolérance comprise entre 750 et 850 V. » (J.P. Gide et J. Banaudo, op. cit., p. 75)

Autre production d’électricité à Passy : la valorisation énergétique à l’usine d’incinération du SITOM .

Voir des photos du site sur toponymage (René Siffointe) :
Paysage de Passy, au-delà de l’Arve, entre Servoz et Saint-Gervais.
Le Laby, Le Châtelard et Les Gures (2009) : belle vue aérienne des Gures et du Châtelard
La Forêt du Châtelard, Les Ruttes et Les Maisonnettes (2009)
Sur le Saix de Montcoutant, Sous Le Saix et Sur L’Egras (2009) : à gauche, la centrale de Servoz

Autres pages sur la production hydroélectrique de Passy. Voir en particulier :
La conduite forcée du Châtelard à Chedde

A découvrir également…

LE PATRIMOINE INDUSTRIEL DE PASSY.
L’hydrologie de Passy.
Les villages du côté de Tête-Noire.

Pour en savoir plus , voir aussi
sur le site Sabaudia :
la présentation du barrage d’Emosson

la carte des sites de production d’électricité en Haute-Savoie

sur le site energie edf :
Les grands principes de fonctionnement des centrales électriques (photos et montage vidéo)
La centrale du Fayet (au bord de la plaine de Passy)

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