Lire notre revue Vatusium n° 16, p. 4 à 10.
A la fin du XVIIIe siècle, Pierre Laurent Potey, maître d’école à Champagney, en Haute-Saône, région de Franche-Comté, gagnait 300 livres par an (source : blog d’Alain Jacquot-Boileau )
Pierre Bosson écrit dans son testament de 1820, lors de la période de Restauration sarde : “Je désire qu’il soit établi (à Passy) (…) quatre écoles gratuites pour les garçons. (…)Dans chaque école, le maître instituteur aura un traitement annuel de 600 F et, en outre de ce traitement, il sera logé, chauffé et éclairé aux frais de chaque commune.”
Pour comprendre la générosité de Pierre Bosson, voici, à titre indicatif, comment les maîtres étaient rétribués en France au début du XIXe siècle (source INRP) :
La loi du 3 brumaire an IV (25 Octobre 1795) avaitsupprimé le traitement des instituteurs et ne leur avait accordé que la jouissance d’un local, « tant pour lui servir de logement que pour recevoir les élèves pendant la durée des leçons » ; « les administrations de département eurent la faculté d’allouer à l’instituteur une somme annuelle pour lui tenir lieu du logement ; en outre, les instituteurs durent recevoir de leurs élèves une rétribution dont le taux était fixé par l’administration du département, et dont le quart des élèves put être exempté pour cause d’indigence. »
« L’ordonnance du 29 février 1816 supprima la limite fixée pour l’admission gratuite des indigents : elle obligeait les communes à veiller à ce que tous les enfants pauvres reçussent gratuitement l’instruction ; mais elle ne parla pas de traitement ; la rétribution scolaire était payée à l’instituteur directement par les familles non dispensées, le plus souvent partie en argent, partie en nature, et cet usage s’est perpétué jusqu’en 1833.
Lithographie de M. Alophe, d’après Charlet.27,2 x 35,9 cm, vers 1825. Extrait de “Trésor d’ enfance” Musée National de l’Éducation – Rouen. Voir ci-dessous. Source : site Cahiers d’histoire de l’école primaire à Valenciennes.
Aux termes de la loi du 28 juin 1833, la commune était tenue de fournir à l’instituteur, outre le local, un traitement fixe qui ne pouvait être moindre de 200 francs pour une école primaire élémentaire, et de 400 francs pour une école primaire supérieure. Le maître continuait d’ailleurs à jouir de la rétribution des élèves, dont la loi avait pris soin d’assurer l’exact recouvrement en décidant qu’elle serait perçue dans la même forme et selon les mêmes règles que les contributions publiques directes.
La loi du 15 mars 1850 garantit seulement à l’instituteur un minimum de 600 francs lorsque ce taux n’était déjà pas atteint au moyen d’un traitement fixe de 200 francs et du produit de la rétribution scolaire Cette loi ne renfermait d’ailleurs aucune disposition concernant le traitement des institutrices. » (site INRP)
Pour en savoir plus : Site de l’INRP l’édition électronique, l’article « Traitements » tiré du Nouveau Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire publié sous la direction de Ferdinand Buisson en 1911.
Quelle était la situation des régents en Savoie ?
Lucien Chavoutier donne des précisions sur le traitement d’un régent au milieu du XIXe siècle en Savoie dans « Isaïe-Marcellin Thomasset (1838-1903), Paysages de ma vie : paysan, soldat et maître d’école savoyard », coll. « Carnets de vie », 1ère éd. 1980, coll. Gens de Savoie, 2e éd. La Fontaine De Siloé,2005, 161 p. :
« La première année, je fis l’école au Pontet-en-Thuile, depuis Noël à Pâques pour 100 francs en 1856. (p. 59) » Le jeune maître d’école avait « une soixantaine d’élèves » (p. 62)
« Pendant l’hiver 1858-59, j’ai fait l’école au village de La Combaz chez Joseph Albrieux. J’ai gagné pendant cet hiver 15 quartes de seigle pour quatre mois, ce qui pouvait faire environ 0,20 à 0,23 franc par jour, car j’ai remis ce seigle à Benoite Troccaz pour intérêts en retard ; elle me l’a estimé à 28 francs » (p. 65)
Lorsque Passy faisait partie du royaume sarde et bénéficiait des revenus des fondations…
Le montant des traitements des régents et régentes était prélevé sur les fondations comme en témoignent les archives municipales.
Pierre Bosson avait prévu un « salaire annuel de 600 francs » ; d’après les chiffres mentionnés ci-dessous, cette somme n’est pas atteinte : 450 livres pour 10 mois correspondent à un traitement de 45 livres par mois au lieu des 50 francs prévus, sachant qu’il y a correspondance entre la nouvelle livre savoyarde de la restauration sarde et le franc français…
Traitement des régents et régentes de Chedde et Joux pour l’année scolaire 1850-51.
Les régentes perçoivent un traitement moins élevé que les régents…
« Le Conseil Délégué, vu la délibération du Conseil Communal du trois décembre Mil huit cent cinquante, par laquelle ont été nommés, MM & Dlles
– Cachat François Xavier, régent à Chedde, sous le traitement de quatre cent cinquante livres pour dix mois
– Comte Marie Alisée, régente au même lieu sous le traitement de trois cents livres pour dix mois
– Soudan Alexandre, régent à Joux sous le traitement de quatre cent cinquante livres pour dix mois
– Soudan Caroline, régente au même lieu sous le traitement de trois cents livres pour dix mois.
(…) Considérant que les trois premiers ont cessé leur enseignement dès le quinze août dernier et la quatrième l’a suivi jusqu’en fin du mois et que pendant tout le temps qu’ils ont tenu l’école, ces régents et régentes ont satisfait à leurs obligations.
Considérant que M. Cachat a déjà effectivement tenu l’école pendant quelques jours de l’été Mil huit cent cinquante, sans avoir été indemnisé et qu’il convient en correspectif de lui allouer le traitement entier de l’année scolaire courante ;
A déclaré unanimement être d’avis que par M. le Syndic soit délivré mandat de payement
1°) du traitement complet en faveur du Sieur Cachat et de Dlle Soudan.
2°) de neuf mois et demi de traitement en faveur de Dlle Comte et de M. Soudan. » (1)
La délibération est transmise à Monsieur l’Intendant de la province pour son approbation.
Délibération du Conseil délégué portant nomination des Régents des écoles de Chedde, Joux, La Motte, Maffrey et Chef-lieu (2)
Le nombre de mois d’enseignement varie d’un hameau à l’autre ; et les régentes perçoivent toujours un traitement moins élevé que les régents…
« Le Conseil Délégué procédant d’urgence attendu la rentrée des écoles qui doit avoir lieu dans la semaine prochaine a déclaré nommés pour l’année qui va s’ouvrir
1°) Cachat François Xavier, Régent à Chedde sous le traitement de quatre cent cinquante livres pour dix mois
2°) Miotton Geneviève, Régente au même lieu sous le traitement de trois cents livres pour dix mois
3°) Soudan Alexandre, Régent à Joux pour le traitement de quatre cent cinquante livres pour dix mois
4°) Soudan Caroline, Régente au même lieu sous le traitement de trois cents livres pour dix mois
5°) Désailloud Mathieu, Régent à la Motte sous le traitement de trois cent soixante livres pour huit mois
6°) Métral Marie Sylvie, Régente au même lieu sous le traitement de cent quatre vingt livres pour six mois
7°) Désailloud Joseph, Régent à Maffrey sous le traitement de deux cent septante livres pour six mois
8°) Bossonney Marie, Régente au même lieu sous le traitement de cent quatre vingt livres pour six mois
9°) Burnier Joseph Marie Régent au Chef–lieu sous le traitement de cent quatre vingt livres pour cinq mois
10°) Poncey François, Régent au même lieu sous le traitement de quatre vingt livres pour cinq mois
Reste à la charge par les uns et les autres de justifier l’autorisation nécessaire du Conseil Supérieur des Etudes. »
Demande d’autorisation de délivrer en faveur des régents et régentes de Chedde et Joux et des régents de la Motte à Maffrey, mandat pour complément de leur traitement de 1851-52
« Le Conseil délégué, considérant que les régents & régentes de Chedde & Joux et les régents de la Motte et Maffrey ont enseigné à la satisfaction publique pendant six mois et qu’il convient de leur faire payer le surplus de leur traitement qui n’a pas été compris dans le mandat du vingt deux may dernier, a délibéré de demander à Monsieur l’Intendant de la province l’autorisation de leur délivrer mandat de payement du surplus de leur dit traitement. » (3)
1875 : demande d’augmentation pour l’institutrice de Maffrey
« Mr le Président expose que Dlle Poncey Geneviève a été nommée institutrice au hameau de Maffrey avec jouissance d’un traitement de 450 francs, et que les habitants de la section qu’elle dessert sont tous très satisfaits de son enseignement, qu’elle réunit les deux sexes et fait réaliser un bénéfice à l’école, et il invite le conseil à demander à Mr le Préfet l’autorisation de mandater son traitement sur 500 fr. » Le Conseil, considérant que l’école a des ressources suffisantes, prie Mr le Préfet de donner son autorisation. (4)
(1) Délibération du Comité Délégué du 6 septembre 1851,Conseil Communal de Passy. MM Daigue Jean Michel Syndic, Crottet Jean Pierre Prospert, Freppaz Marie Dominique Conseillers délégués, assistés du Notaire François Marie Descombes Secrétaire.
(2) Délibération du 30 octobre 1851. MM Daigue Jean Michel Syndic, Crottet Jean Pierre Prospert, Freppaz Marie Dominique Conseillers délégués, assistés du Notaire François Marie Descombes Secrétaire.
(3) Délibération du 6 septembre 1852 : complément du traitement des régents et régentes. M.M. Daigue Jean Michel syndic, Crottet Jean Pierre Prospert, Freppaz Dominique, Conseillers délégués et Descombes François Marie secrétaire.
(4) Délibération du 1er février 1875 : vote pour l’institutrice de Maffrey.
A titre de comparaison, voici les traitements accordés en Savoie pendant cette période :
Traitement de l’instituteur de Savoie au XIXe siècle
(Source : Jules Joly, Philippe Paillard, En Savoie. Notre école au bon vieux temps, éd. Horvath, 1990, Document manuscrit, p. 71)
Traitement de l’instituteur vers 1850 :
Traitement fixe ………………………………………………. 200
Rétribution scolaire et complément alloué par le Conseil…… 400
Supplément de traitement …………………………………….102, 70 Total …..702, 70
Indemnité de secrétaire de Mairie ……………………………..60
Traitement de l’instituteur en 1870 :
Traitement fixe ………………………………………………. 200
Rétribution scolaire et complément …………………………. 962, 75
Supplément de traitement …………………………………….150
Total ….1312, 75
Indemnité de secrétaire de Mairie …………………………….100
Traitement de l’instituteur en 1889 :
Traitement fixe ………………………………………………. 200
Traitement éventuel …………………………………………. 541
Complément pour former le traitement minimum ……………459
Supplément pour garantir le traitement en 1878, 1879, 1880…350
Traitement de la maîtresse des travaux à l’aiguille …………… 80
Cours d’adultes ………………………………………………. 125
Total ….1755 francs
Mairie …………………………………………………………250
Traitement de l’instituteur en 1899 :
Traitement fixe (3e classe)….…………………………………1500
Supplément de traitement …………………………………….350
Indemnité pour Cours d’adultes …………….………………. 125
Traitement de la maîtresse des travaux à l’aiguille …………..120
Total ….2095 francs
Mairie …………………………………………………………300
Pour en savoir plus :
– site Le temps des instituteurs
– Site sur l’école républicaine
– Blog d’Alain Jacquot-Boileau
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