Lire notre revue Vatusium n° 18, 2015 « Les Passerands dans la Grande Guerre », 1ère partie : 1914 et 1915.
L’artillerie de campagne est une des branches majeures de l’artillerie, qui a pour vocation de soutenir et appuyer les troupes sur le champ de bataille. Pour remplir cette fonction, son matériel doit être mobile et apte à suivre des opérations mobiles. Cet impératif a tendance à lui faire adopter des pièces plus légères et moins puissantes que par exemple l’artillerie de siège, ou l’artillerie de place.
Le « tir rapide » fut, avec la « poudre sans fumée », un concept-clef des penseurs militaires de la Belle Epoque. Il consistait dans le fait qu’une pièce d’artillerie soit capable de tirer plusieurs coups par minute. (Wikipedia, art. « Artillerie de campagne »)
Des soldats de Passy ont servi dans les régiments d’artillerie de campagne (R.A.C.) et utilisé le canon de 75 pendant la Grande Guerre : lire dans Vatusium n° 18 leurs noms et l’article qui leur est consacré, pages 23-24.
VIDEO disponible sur le site france3-regions-champagne-ardenne : le canon de 75 fort de la Pompelle)
Quel était donc le fameux « canon de 75 », orgueil de l’armée française ?
« La guerre de 1870 a démontré la supériorité du canon Krupp en acier se chargeant par la culasse sur le vieux canon en bronze français se remplissant par la gueule. D’autant que la portée des canons prussiens est supérieure de quinze cents mètres à celle du canon français, de même que leur cadence de tir. Dès 1875, l’état-major de la 3ème République se préoccupe de se doter d’un canon en acier à tir rapide. » Ce sera le « 75 », totalement confidentiel. (Philippe VALODE, La Grande Guerre sans les clichés, éd. l’Archipel, 2013, Chapitre 13 « Des armes toujours plus meurtrières », p. 143-144)
Pour déjouer l’espionnage allemand deux autres versions, beaucoup moins élaborées, sont mises au point. La ruse marchera parfaitement.
« En 1900, doté d’un nouvel obus explosif de plus de cinq kilos, le 75 fait « merveille » contre les Boxers chinois, aux portes de Pékin. Le canon de 75 est devenu l’arme secrète de l’armée française : en 1914, elle dispose d’un millier de batteries de quatre canons, un avantage décisif pour la guerre de mouvement… » (Philippe VALODE, op. cit.)
Le canon de 75 mm modèle 1897 est une pièce d’artillerie de « conception révolutionnaire pour son époque, il regroupe, en effet, tous les derniers perfectionnements : l’utilisation de la poudre sans fumée, de la munition encartouchée, de l’obus fusant, d’un chargement par la culasse selon le procédé Nordenfelt, et d’un frein de recul hydropneumatique. Cette synthèse, en éliminant les dépointages lors des tirs, rendait enfin possible un vieux rêve des artilleurs, le tir rapide.
Devenu un emblème de la puissance militaire française (…), il fait l’objet d’un culte de la part des militaires et patriotes français (…). Cet enthousiasme conduira à négliger entre autres la modernisation de l’artillerie lourde, erreur qui sera durement payée lors de la Première Guerre mondiale. En effet si le 75 est le meilleur canon de campagne de l’époque, il est beaucoup moins à l’aise et utile dans une guerre de position, où l’on a besoin d’artillerie lourde, pour atteindre les troupes retranchées. Il se distinguera néanmoins, en grande partie grâce à ses servants qui paieront un lourd tribut. » (site Wikipedia, art. Canon de 75 mm)
Service de la pièce
Outre le chef de pièce qui dirige les opérations, une équipe de six servants est nécessaire pour utiliser le canon au maximum de ses possibilités. Lors du tir, l’équipe est ainsi répartie :
Le tireur prend place sur un siège à droite, face à la pièce, il est responsable de l’ouverture et de la fermeture de la culasse et du tir, mais aussi des changements de hausse.
Le pointeur, assis à gauche, s’occupe du pointage en site et en dérive.
Le chargeur derrière le pointeur, engage la cartouche dans la chambre.
Derrière le caisson, trois autres hommes travaillent, deux pourvoyeurs qui alimentent l’appareil débouchoir en munitions, et le déboucheur qui perce les évents des fusées avant de transmettre l’obus préparé au chargeur.
Une équipe de servants bien entraînée arrive à tirer jusqu’à 28 coups en une minute, mais une telle cadence ne peut être tenue très longtemps, du fait de la nécessité de réapprovisionner en obus, mais aussi de la fatigue générée et de l’échauffement du tube ; dans la pratique, la cadence soutenue est plutôt de six coups par minute. »
Avantages du 75 mm modèle 1897
« Pour charger le canon, il suffisait d’ouvrir la culasse rotative et d’y insérer la cartouche, puis de refermer la culasse d’un mouvement rapide du poignet. Après avoir tiré, le recul du canon n’entraînait pas l’affût en arrière comme dans les anciens modèles. L’affût du 75 restait sur place, mais le tube du canon lui-même partait en arrière dans son logement à une distance d’1,20 m, puis glissait à nouveau dans sa position initiale grâce à un système de détente hydraulique. Quand le tube revenait en place, il suffisait d’ouvrir la culasse, qui éjectait automatiquement la cartouche vide, puis d’en placer une autre à l’intérieur.
Les avantages militaires de ce nouveau canon étaient évidents. Les artilleurs n’avaient pas besoin de sauter en arrière lorsqu’on tirait au canon, comme ils devaient le faire quand l’affût bougeait. Par conséquent ils pouvaient charger plus rapidement le canon qui par ailleurs, restait en position, ce qui évitait de devoir réajuster la cible à chaque tir. Le canon de 75 avait une portée de 11 km. » (site Wikipedia, article Canon de 75 mm)
Premières actions
Le matériel de 75 modèle 1897 est pour la première fois utilisé en opérations en juin 1900, lors de l’expédition internationale contre les Boxers où leur efficacité impressionne le Feldmarschall Von Waldersee, commandant la force expéditionnaire.
En action pendant la Première guerre mondiale
« En 1914, la France entre en guerre avec 3 840 canons de 75 à sa disposition. (…) Malgré leur plus faible efficacité dans le contexte de la guerre de tranchées, ils vont néanmoins prendre un rôle déterminant, contribuant en particulier à l’arrêt de l’armée allemande lors de la bataille de la Marne en 1914, et à Verdun en 1916. Ils sont servis par des équipages de très haute compétence, une bonne partie des officiers d’artillerie étant sortis de grandes écoles comme Polytechnique. Ils sont l’une des armes maîtresses de l’armée française et pas moins de 17 500 canons sont construits pendant la guerre, les munitions étant produites à plus de deux cents millions d’unités. La consommation d’obus de 75 devient démesurée : par exemple, 3,75 millions sont tirés lors du seul mois de mars 1916 à Verdun. » (site Wikipedia, article canon de 75 mm)
« La France traverse une crise grave à la fin de l’année 1914 quand la production et les stocks d’obus, pourtant importants, se révèlent insuffisants. On décide alors de recourir à l’industrie privée (…) Mais, en conséquence, la qualité des munitions décline, provoquant plus souvent des éclatements et des gonflements du tube de l’arme (1 éclatement tous les 3 000 tirs en moyenne, contre 1 tous les 500 000 en 1914). (…) Devenu colonel, Sainte-Claire Deville est chargé du problème et réussit dès septembre 1915 à redresser les standards de production, grâce à des contrôles plus stricts. Toutefois, la qualité n’atteint plus jamais celle d’avant-guerre. Les pertes durant la Première Guerre mondiale furent très lourdes. Environ 18 000 pièces furent détruites, les deux tiers du fait de l’ennemi, 3 257 canons éclatés, 3 391 canons boursouflés, par défaut du tube, de la culasse ou suite à un éclatement prématuré de la cartouche. » (site Wikipedia, idem)
De l’importance des chevaux pour l’artillerie
Il ne fallait pas moins de six chevaux pour tracter un seul canon (VOIR article Cavaliers et conducteurs, page …). . Le manque de chevaux, malgré les réquisitions, puis le manque de fourrage, contraindront à motoriser un nombre croissant d’unités.
Un artilleur de Passy écrit à sa famille :
Les obus du 75
« Les obus envoyés sur les tranchées se divisent en deux grandes catégories : les percutants qui explosent au contact du sol ou d’un obstacle et les fusants qui explosent en l’air, grâce à un système de mise à feu préréglé. Avant de lancer l’obus fusant, l’artilleur règle le moment précis et donc la distance à laquelle la charge de l’obus va exploser. » (François Bertin, 14-18 – La grande guerre – Armes, uniformes, matériels, éd. Ouest-France, 128 pages, 2006, p. 28-29)
« Le canon de 75 a été développé à l’origine pour deux munitions seulement, un obus explosif et un obus à balles (shrapnel), chacun de 7kg et de 8500m de portée. Ils étaient sertis dans une douille en laiton contenant la charge propulsive et cet assemblage constituait une cartouche. Les munitions étaient livrées dans des caisses de 6 ou 9 cartouches, avec des marquages donnant tous les renseignements sur le contenu (type, lot, année…). Les renseignements devaient aussi obligatoirement se retrouver sur le culot des cartouches, seul élément que le pourvoyeur pouvait voir avant de retirer la cartouche.
Pour le tir fusant, une fusée comportait dans sa tête une mèche de poudre en colimaçon dont la combustion permettait d’assurer le retard de l’explosion. Le débouchoir avait pour rôle de sectionner cette mèche de façon à régler ce retard. » (site rosalielebel75 ; Sources: manuel du gradé de l’artillerie de campagne – Charles Lavauzelle – 1912 ; Manuel du gradé de l’artillerie, Charles Lavauzelle, 1926 ; L’infanterie en un volume, Manuel d’instruction militaire, Librairie Chapelot – 1914)
Pour avoir une idée de la taille d’une cartouche de 75 :
Les shrapnels
« Les obus à balles, encore appelés shrapnels*, sont la hantise du fantassin qui n’a que son havresac sur son dos pour le protéger des centaines de balles rondes qui jaillissent de l’obus quand celui-ci explose. Même le casque d’acier reste impuissant quand la charge explose trop près. » (François Bertin, op. cit.)
* “Shrapnel”, du nom de son inventeur Henry Shrapnel, officier de l’armée britannique (1761-1842), est le nom désignant l'”obus à balles”, depuis la Première Guerre mondiale.
A titre d’exemple, aux pires moments de la bataille de Verdun, c’est plus de 100 000 obus de 75 et 50 000 obus de 155 mm qui sont consommés par jour.
Les artilleurs ont de l’humour…
Les effets de l’artillerie
Pour en savoir plus sur l’artillerie pendant la Grande Guerre, voir les sites suivants :birgy14-18 : texte et photos
passioncompassion1418 (nombreux schémas et explications sur l’artillerie française, anglaise et allemande, les obus)
warandmemory (tout sur les obus)
bleuhorizon (tout sur les grenades, munitions, obus, usines d’armement, artillerie de tranchée de la Grande Guerre : très nombreuses photos et explications)
Rosalielebel75 : canon de campagne (nombreux schémas sur le 75)
Servicehistorique.sga.defense.gouv.fr (pdf sur tous les calibres de canon)
Revue Connaissance de l’Histoire n° 7 nov. 1978, Hachette
Autres VIDEOS disponibles sur la mise en œuvre du canon de 75 :
fortiffsere : tout sur les pièces de l’artillerie, avec une VIDEO montrant le fonctionnement du canon de 75
thetunnel : sur les différents types d’artillerie
Cnc.aff.fr (FILM muet : Mise en batterie de canons de 160 mm et 140 mm)
Sur l’identification d’un culot d’obus 75
pages14-18 : identification obus 75 ; identification douille ; identification douille 77 allemande ; artillerie restauration (idem)
lagrandeguerre.cultureforum : douille d’obus ;
passionmilitaria : douille 77 allemande
placedelours.superforum : douille travail de tranchée (idem)
Voir nos autres pages sur
– Passy pendant la grande Guerre
en particulier notre page consacrée au monument aux morts de Passy.
– Passy du XXe siècle à nos jours.
Découvrez aussi, sur notre site, la richesse et la variété du patrimoine de Passy :
– Les ex-voto du temple romain de Passy
– Le château médiéval de Charousse à Passy
– Le retable de la Chapelle de Joux, à Passy
– L’étonnant « Cahier » d’Eugène Delale, école de Passy, 1882
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