Culture, Histoire et Patrimoine de Passy

Les « Numéros suivis de Passy » et le calcul de la taille en 1733

Written By: BT

Lire notre revue Vatusium n° 17, p. 12 à 17.

Les mappes sardes ne mentionnent pas le nom des divers hameaux ou villages d’une paroisse. Les parcelles ne comportent que des numéros.
Pour situer une propriété, il faut se reporter aux « Numéros suivis » : ce sont des livres déposés dans les archives municipales. La commune de Passy conserve ainsi deux gros livres, les « Numéros suivis de Passy restaurés en 1825 »

Contenu des colonnes, de gauche à droite : Folios du cadastre ; numéros figurant sur la mappe de 1733 ; noms et prénoms des propriétaires et nature des propriétés ; mas (hameau ou village) ; contenance de la parcelle (fx, toises, pieds) ; montant de la taille à payer (livre, sols, deniers).

Un exemple de livre d’estime, le Livre des « Numéros suivis de Passy, restaurés en 1825 », conservé à la mairie

Un exemple de livre d’estime, le Livre des « Numéros suivis de Passy, restaurés en 1825 », conservé à la mairie

Voici quelques textes qui complètent les pages de notre revue Vatusium n° 17 :

Le « degré de bonté » des terres et le calcul de l’impôt (p. 12)

 Des « estimateurs sont chargés d’évaluer le revenu de chaque parcelle, leur « degré de bonté », de façon à fixer le montant de l’impôt.

 « Pour maintenir des critères d’appréciation identiques, le délégué circule d’une paroisse à l’autre pendant ces recherches, tandis que des estimateurs réviseurs, dirigés par un délégué réviseur, comparent ces premiers résultats à ceux des autres escadres : « Votre devoir le plus essentiel, écrit en septembre 1728 l’intendant général Lovera aux estimateurs réviseurs, est de faire de continuelles visites aux escadres (…), de visiter les livres des estimateurs d’office, de prendre exactement les mêmes connaissances dont ils sont chargés à l’égard des revenus naturels des biens, de chaque bonté et valeur des denrées, et de les confronter avec leur estimation pour voir s’ils s’y conforment, et pour leur communiquer vos lumières en cas contraire. » (2)

 « Lorsque l’unité de cotation du marché ne concorde pas avec celle utilisée pour les rendements, on effectue une conversion. Ainsi, les trois céréales, cotées par veissel [mesure pour les grains, à Chambéry d’une valeur de 81,26 litres] et différenciées, sont maintenant confondues et cotées par quarts. Le veissel de « châtaignes communes » qui valait 2 livres 4 sols, soit 44 sols ou 528 deniers, la livre valant 20 sols et le sol 12 deniers, est ramené au quart, c’est-à-­dire à 5,5 fois moins, soit 96 deniers, ce qui nous donne bien 8 sols.

Enfin, le « baril » de vin étant estimé à 3 livres 10 sols, soit 70 sols, un rendement de 9 barils, comme celui de notre vigne, vaudra 630 sols, soit 31 livres, 10 sols.

Ce barème établi, les « liquidateurs-­applicateurs » rouvrent le livre de calculation, utilisant cette fois la page de droite encore vierge. Ils reportent en regard de chaque parcelle son degré de bonté, puis l’estime en argent de sa production par journal * de Savoie. Enfin, ils effectuent l’application de cette estime à la surface réelle de la parcelle. (…) La seconde partie du livre de calculation, que nous devrions appeler pour plus d’exactitude, « livre de calculation et d’application », trouve sa conclusion le 26 août 1731. » (5)

* Journal : c’était l’unité de superficie la plus utilisée sous l’Ancien Régime. Il s’agissait de la quantité de terre qu’une charrue pouvait labourer, ou qu’un homme pouvait travailler, ou la quantité de pré qu’il pouvait faucher, etc. en une journée. Le journal de Paris : 32 ares 860. Le journal de Bordeaux : 31 ares 93…
« Le livre d’estime tient compte des degrés et catégories rapportés à la surface de chaque parcelle (présentée aussi dans l’ordre des numéros suivis) pour déterminer l’impôt d’après le revenu. Pour établir ce dernier, on déduisait de son produit moyen annuel les impôts féodaux et la dîme, plus la valeur des semences et les frais de culture estimés à la moitié du revenu. » (6)

La tabelle préparatoire contient le nom de tous les propriétaires par ordre alphabétique, et toutes les parcelles numérotées qui composaient leurs propriétés (…). Tous ces documents, qui constituent le cadastre minute, sont conservés au service des archives du département intéressé. (6)
La tabelle définitive, copie de la précédente, a été remise aux paroisses. Comme il s’agit d’un registre sur excellent papier et bien relié, on l’y trouve encore le plus souvent. (…) (6)

La commune de Passy peut ainsi mettre à la disposition des chercheurs ses « Numéros suivis de Passy restaurés en 1825 » (voir photo ci-dessus) : les propriétaires et leurs biens sont classés par numéros suivis.

Confection des cadastres récapitulatifs (p. 14)

« Retour des documents à Chambéry où l’on s’attaque maintenant à la confection des tabelles générales, ou cadastres récapitulatifs. On y reporte soigneusement toutes les données utiles recueillies depuis le départ, ordonnées en une série de colonnes dont quelques-unes pourtant, on le verra, resteront inemployées.

C’est aussi l’heure angoissante des bilans pour les maîtres d’œuvre qui mesurent alors combien le cadastre achevé est différent de ce qu’on avait imaginé au départ. Mais il faut en finir. Et de retouche en retouche, à force de combiner, diviser, multiplier, ajouter et soustraire, on tombe sans trop d’illusions sur des résultats que l’on proclame définitifs. » (2)

« Autant soucieux d’exactitude, qu’attentif au particularisme du duché, et à la susceptibilité d’une population qui se sent « occupée » par une armée de techniciens étrangers, l’Intendant pense utile de souligner que « tous les noms propres des particuliers, terres, mas, confins et autres seront écrits par les géomètres, assistants et estimateurs d’office, sur leurs « journaillers » en langue française, à quel effet ces derniers en instruiront les autres pour qu’ils soient écrits en cette conformité ». (4)

La mappe sarde de PASSY aux Archives départementales (p. 17)

Ce cadastre général est le plus ancien d’Europe. Il fut terminé pour la paroisse de Passy en 1733. Cette « mappe sarde » est consultable en ligne sur le site des Archives départementales de Haute-Savoie.

La procédure est expliquée sur notre page « La mappe sarde de Passy en 1733 ». 

Les références 2 à 6 correspondent à la revue Le cadastre sarde de 1730 en Savoie, publiée par le Musée Savoisien en 1981 :
(2) Jean Nicolas, a) « Quand le duc de Savoie arpentait ses domaines », p. 27-36 et « Au fil du siècle, un cadastre en péril », p. 69 à 75. b) La Savoie au XVIIIe siècle: noblesse et bourgeoisie, La Fontaine de Siloé.
(4) Ivan Cadenne, « En campagne », p. 38-67.
(5) Louis Jean Gachet, « Le mécanisme des écritures, p. 87-109.
(6) Paul-Henri Dufournet, « Topographie historique et cadastres », p. 137.

Pour en savoir plus, se reporter à notre revue Vatusium n° 17, pages 4 à 21.

Et sur ce site aux pages :

Les cadastres de Passy 
Le cadastre de 1730 ou « mappe sarde » et les « bornes sardes » de Passy

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