Lire notre revue Vatusium n° 6, p. 15 à 19.
L’histoire géologique de la Terre (et de… Passy) ainsi que l’épisode marin (du Jurassique à la fin de Crétacé) se racontent en centaines et dizaines de MILLIONS d’années (Ma) : 500 Ma.
L’histoire de la formation des Alpes se raconte en dizaines de millions d’années : vers – 25 Ma, la totalité des Alpes sort de l’eau.
Voir notre page Origine des roches, des fossiles et des reliefs de Passy.
L’histoire des dernières glaciations (au Quaternaire) se raconte en centaines et dizaines de MILLIERS d’années : 380 000 ans pour le Mindel, 270 000 ans pour le Riss, de 70 000 à 25 000 ans pour la dernière grande glaciation, celle du Würm.
Les glaciers aménagent le paysage (Extrait de Regards sur les Houches, p. 15)
« Néophytes et spécialistes se sont longtemps interrogés sur la présence de traces d’érosion et de blocs de granite, dits erratiques*, disséminés dans la haute vallée de l’Arve. Aujourd’hui les recherches scientifiques permettent de mieux connaître leur histoire.
* erratique : nom donné au bloc de rocher déposé par les glaciers ; du latin : errare = errer (détaché de son lieu d’origine). Voir notre page sur les blocs erratiques de Passy.
Il y a deux millions et demi d’années, la terre a connu ses premiers épisodes glaciaires, amorçant l’ère quaternaire. Une vingtaine de glaciations se sont depuis succédé, recouvrant et modelant le massif alpin. Chaque glaciation, une tous les 100 000 ans environ, a bouleversé la vie sur Terre.
Seules les traces des deux dernières périodes glaciaires, celles du Riss et du Würm, qui prit fin il y a 10 000 ans, sont encore observables dans les Alpes. Il y a 70 000 ans commence la dernière glaciation. Le froid (entre 6 et 8 °C de moins qu’aujourd’hui) favorise l’accumulation des précipitations neigeuses pendant plusieurs millénaires et donc le développement de glaciers. » (Sylvain Coutterand)
Les glaciations anciennes du Mindel et du Riss
« C’est une longue période durant laquelle les glaciers des Alpes atteignent alors leur plus grande extension. Il y a 380 000 ans (Mindel), puis 270 000 ans (Riss), ces glaciers transportaient les débris alpins jusqu’à Lyon comme en témoignent les moraines de Fourvière à blocs erratiques de granite du Mont-Blanc. Le glacier de l’Arve se joignant au glacier du Rhône formait alors un vaste lobe glaciaire s’étalant sur la région lyonnaise et sur les Dombes. […] » (Extrait de Vatusium n° 6, p. 15 à 19, art. de Sylvain Coutterand et Michel Delamette)
Plus près de nous, la glaciation du Würm
« Il y a 70 000 ans commence la dernière glaciation dite du Würm. Elle n’atteint pas l’extension des précédentes, les glaciers s’arrêtant à 15 km de Lyon. Au maximum d’extension des glaciers, voici 25 000 ans, toutes les vallées alpines sont occupées par les glaces qui, sortant du massif alpin, s’étalent sous la forme de vastes lobes glaciaires sur les plaines et les collines hors des Alpes. A cette époque, les glaciers du massif du Mont-Blanc se réunissent pour former le grand glacier de l’Arve qui remplit totalement la vallée. A la verticale de Passy, la surface de ce glacier se situe vers l’altitude de 1900 m pour s’abaisser ensuite régulièrement vers l’aval : 1600 m au-dessus de Cluses, 1400 m sur Bonneville et 1200 m avant sa confluence avec le glacier du Rhône. […] »
« Dans la région autour de Passy, nombreux sont les sommets qui ont été recouverts par le courant glaciaire du maximum würmien. Citons trois exemples : le Prarion au Sud des Houches, l’Aiguillette des Posettes au Nord du Col des Montets où on observe des stries glaciaires bien préservées, les crêtes du Mont d’Arbois portant de nombreux blocs cristallins, preuve que le courant glaciaire a submergé ce massif. La surface du glacier atteint 2400 m d’altitude sur Argentière puis 2100 m sur les Houches. La Montagne de Pormenaz malgré ses 2300 m d’altitude émerge à peine, l’alpage du même nom étant enfoui sous 200 m de glace. […] »
« Imaginer le paysage de cette époque demande un gros effort pour nous, habitants du XXIe siècle ; la vallée que nous connaissons disparaissait alors totalement sous la glace ; au-dessus des Houches, seules l’Aiguillette et ses neiges éternelles émergeaient de cet immense plateau glaciaire. » (Regards sur les Houches)
Quelques stries glaciaires sont particulièrement bine visibles dans la clairière de Charousse aux Houches.
Le retrait du glacier de l’Arve et ses « stades »
« Depuis 20 000 ans, les glaciers fondant progressivement reculent vers les centres d’englacement au cœur des plus hauts sommets alpins. Cette évolution est ponctuée de périodes de stabilisation appelées stades. Entre cette époque et – 14 000 ans, le glacier de l’Arve entame ainsi un lent recul entrecoupé de stationnements de son front : stade de Bonneville vers 18 000 ans, stade de Magland vers – 17 000 ans. […] »
« En amont, les trois cordons morainiques du Lac Noir (Les Houches) représentent d’autres témoins. Le glacier dépose aussi une moraine latérale au-dessus des Plagnes sur Saint-Gervais qui sera ravinée par l’action destructrice des eaux du Nant Ferney et du Nant Gibloux. Un témoin spectaculaire de cette moraine est la fameuse cheminée des fées surmontée d’un volumineux bloc de granite. […] »
« Vers – 15000 ans, le front du glacier remonte dans le bassin de Servoz. En libérant l’éperon rocheux des Gures, il abandonne alors quelques blocs de granite dont le plus connu fut considéré pendant longtemps comme un dolmen. En réalité, le bloc du Laby est tout simplement un bloc erratique (communication F. Durand).
En se retirant de l’ombilic * du Fayet, le glacier a libéré la vallée permettant l’installation d’un lac occupant un surcreusement glaciaire. Ce plan d’eau devait occuper tout le fond de la vallée entre Magland et Chedde. A l’époque où le glacier occupait toute la vallée, la glace, d’une épaisseur considérable a surcreusé le fond de l’auge glaciaire, la surface de la plaine de l’Arve que nous voyons aujourd’hui n’est qu’un plancher alluvial dû au remblayage torrentiel postérieur, le lit rocheux trouvant quelques centaines de mètres sous cette surface.
* Ombilic : Vallée surcreusée par l’érosion glaciaire.
Pour rencontrer le dernier stade de stationnement du glacier de la vallée de Chamonix vers – 14 000 ans, dit stade des Houches, il faut remonter en amont de Servoz, au niveau du verrou cristallin des Houches. »
L’évolution postglaciaire du versant de Passy
« Lors de la décrue glaciaire, la disparition des glaces des grandes vallées a modifié les contraintes de stabilité des versants, en particulier pour ceux de nature argileuse et schisteuse souvent très altérés par le passage des glaciers.
Le versant de Passy est ainsi le siège de nombreux glissements de terrain dans sa partie basse taillée dans les argilites du Jurassique. Ces mouvements de terrain induisent, dans la partie supérieure du versant, des éboulements des barres calcaires.
C’est ainsi que, du cours de l’Arve à Servoz jusqu’aux crêtes des Fiz, l’ensemble du versant glisse et déstabilise les falaises calcaires et gréseuses sus-jacentes pour donner naissance au paysage chaotique du Dérochoir. Entre la Pointe de Platé et la Pointe d’Anterne, au cours de plusieurs évènements catastrophiques, le dernier datant de 1741, des pans entiers de falaises s’écroulent bouleversant complètement l’aspect du paysage des crêtes sud de Platé.
La Pointe du Dérochoir et le col homonyme portent aujourd’hui les stigmates de ces événements postglaciaires. »
Voir notre page sur l’écroulement des Fiz en 1451.
Pour en savoir plus sur la géomorphologie glaciaire de la vallée de Chamonix et la formation de la vallée de l’Arve, voir le remarquable document du site glaciers- climat :
– Géomorphologie de la vallée de Chamonix
– Les blocs erratiques de Combloux
Voir aussi le site geologie-montblanc.
Autres pages de notre site sur l’histoire géologique de Passy.
Voir aussi nos pages
– Début du petit âge glaciaire (de 1303 à 1860 environ)
– Saussure trouve l’explication des plissements alpins (courbures de la roche, plissements alpins)
– Plissement alpin près du torrent de Reninge à Passy
– Blocs erratiques en granit à Passy
– Le travail des graniteurs raconté par les élèves de M. Dunand en 1932